Recherche Lexique canonial

Compte rendu de la réunion de l'équipe des Fasti du 1er juillet 2005

 

Informations générales

Le GDR Salve arrive à échéance au mois de décembre prochain. Un dossier de demande de renouvellement a été déposé.

Nouvelles

Les prochaines réunions des Fasti (2006) auront lieu :

En hiver : le 27 janvier, en lien avec un stage consacré aux livres liturgiques du Moyen Âge, le 28 janvier, sous la houlette de Jean-Baptiste Lebigue (IRHT). Ce stage débutera le vendredi 27 à 15 heures dans la foulée de la réunion des Fasti et aura lieu à l'École des Chartes. Après une présentation générale des livres de la messe et de l'office, cette session proposera l'étude spécifique d' ordinaires liturgiques manuscrits, destinés à des églises de Cambrai.

En outre, Benoît Jordan s'est offert pour organiser un stage sur les objets liturgiques. Le lieu en sera finalement Paris, avec visites probables au Musée de Cluny et au Trésor de Notre-Dame. Quatre dates sont en balance : le vendredi 31 mars, le samedi 1er avril, le vendredi 19 mai, le samedi 20 mai.

En été : en marge du colloque du CERCOR au Puy-en-Velay (29 juin-1er juillet). Ce colloque sera consacré aux chanoines réguliers. Michel Parisse en a fait la présentation à notre réunion. Pour ceux de nos diocèses dont le chapitre est OSA, ce colloque est fondamental. Pour les autres, il pose de toute façon le problème du passage de la sécularité à la régularité. Si quelques repères chronologiques sont bien connus (1059, 1092) on s'explique mal pourquoi, alors qu'au IX e siècle le mode de vie canonial est jugé trop facile, au XII e siècle, des hommes ont voulu devenir chanoines réguliers alors qu'il existait d'autres moyens de vivre régulièrement. Le XII e voit non seulement la transformation de communautés en communautés de chanoines réguliers mais également des fondations nouvelles. Le principe de tenir notre réunion d'été au Puy a donc été adopté. On verra cet hiver comment le mettre à exécution.

Ouverture au mois d'octobre 2005 de l'accès à "l'Opération Charles VI" visant à repérer – dans un but prosopographique – les personnes actives sous Charles VI.

Le LAMOP organise le 26 novembre 2005 une journée consacrée à la désignation des évêques. Il s'agit d'une séance de travail qui a pour but l'étude du vocabulaire employé et vise à faire un premier bilan des sources à utiliser pour repérer ce vocabulaire.

Au séminaire « L'Église et les églises en Occident à la fin du Moyen Âge » (ENS, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris), les Fasti seront représentés par Christine Barralis et Hélène Millet à la séance du 2 décembre (10h-18h), avec le sujet suivant : « Que veut dire l'expression ecclesia meldensis (Meaux est ici un exemple) à la fin du Moyen Âge ? ».

Le programme Pèlerinages et sanctuaires du GDR Salvé projette de développer la recherche sur le thème des cathédrales, avec pour point de départ les questions suivantes :

  • Quelles étaient les reliques ou « ymages » possédées par les cathédrales qui furent l'objet d'un culte spécifique ?
  • Sous quelles formes ce culte s'est-il développé ? Comment différencier processions et pèlerinages dans les sources médiévales ?
  • Quelle part les autorités épiscopales ont-elles prises dans le développement du culte ?

Avis de recherche : Qui a rencontré Henri Romain, chanoine de Tournai, Laon, Thérouanne et St-Méry de Paris entre 1429/32 et ca 1459, et par ailleurs traducteur de Tite-Live et de chroniques universelles ainsi que père de 4 enfants ? Prévenir Jacques Pycke.

 

I. L'ordinaire de la cathédrale de Tournai , par J. Pycke

H. Millet a invité J. Pycke à l'occasion de la sortie de son livre Sons, couleurs, odeurs dans la cathédrale de Tournai au XV e siècle, Tournai 2004, 286 pages. Qui, en effet, mieux que l'archiviste de la cathédrale qui conserve encore un magnifique fonds médiéval [1] pouvait restituer la vie de cette église ? Il l'a fait devant nous à partir d'un document exceptionnel, un manuscrit du XV e qui portait le nom de coutumier dans l'inventaire mais s'est révélé, à l'étude, être un ordinaire.

Le manuscrit qui a fait l'objet de l'intervention a été écrit au XV e sur un papier remontant aux années 1420 eu égard à son filigrane, un filigrane italien qui s'est répandu dans la région de Troyes puis dans celle d'Arras. Il a été transcrit par deux mains différentes et le manuscrit comporte en fait trois éléments de même format reliés ensemble au xviii e siècle.

Le premier élément est un cérémonial destiné à celui qui doit diriger les offices liturgiques de la cathédrale en fonction de la solennité.

Le second élément comporte des corrections et additions à apporter à l'ordinaire rouge. Ces corrections concernent le Sanctoral.

Le troisième et dernier élément concerne le Temporal depuis l'Avent jusqu'à la fête du Saint Sacrement. L'intervention de deux mains y est très nette. Cette dernière partie du document permet de constater que du point de vue du chant, la cathédrale de Tournai a adopté le mode vénitien. Contrairement à ce qui se passe dans le mode romain, le chant est prépondérant et ne peut pas être interrompu par le célébrant.

Ce document témoigne d'une volonté de remise en ordre de la liturgie jusque dans ses moindres détails ; il a été élaboré dans une période où, à Tournai, la discipline est reprise en main au même titre d'ailleurs que les affaires temporelles. A ce propos J. Pycke fait constater qu'il existe des « moments d'écriture » dans les maisons religieuses et que ces moments sont globaux et ne se cantonnent pas à un seul domaine.

À partir de ce document J. Pycke a voulu montrer la vie de la cathédrale de Tournai au XV e siècle et a présenté ses divers espaces.

Le plan de l'enclos capitulaire constitué de l'ensemble des maisons canoniales donne une première idée de la puissance d'un chapitre qui compte 42 prébendes et est un véritable pouvoir dans la ville face à l'évêque imposé par les ducs de Bourgogne. La puissance du chapitre est fondée sur un faux diplôme qui lui donne des droits régaliens importants et notamment de passage sur l'Escaut. Par ailleurs, le chapitre affirme sa puissance en revendiquant des liens avec Chilpéric qui figure sur son sceau. Jusqu'en 1796, la fête de Chilpéric est célébrée avec une solennité particulière, sur le mode majeur, avec distribution de pain et d'anguilles à 300 pauvres.

La liturgie (50 à 60 messes par jour dans la cathédrale de Tournai) est assurée par un personnel très important : outre les 42 chanoines dont à peine 20 % résident ce qui est insuffisant pour assurer la liturgie, il faut ajouter les grands vicaires [2] (12 astreints à la stricte résidence et organisés pour défendre leurs droits face aux chanoines), les vicaires amovibles au nombre de 6, les 38 chapelains et les 12 enfants de chœur. Lors des offices majeurs ce sont environ 130 personnes qui prennent place au chœur. Elles portent des habits liturgiques fastueux dont J. Pycke nous a montré quelques exemples [3] à partir de son diaporama. C'est bien normal dans une cathédrale dont les chanoines ont un pouvoir d'achat 12 fois supérieur à celui d'un ouvrier qualifié. Le luminaire aussi est fastueux puisque ce sont alors 300 cierges qui brûlent en même temps.

Pour faire face aux exigences de cette liturgie, le chœur de la cathédrale a dû évoluer. Le chœur de Tournai est un bon témoignage de ces évolutions. Il montre comment il fallait également tenir compte des contraintes liées aux tombeaux des évêques qui voulaient y être inhumés et demandaient pour ce faire l'autorisation à leur chapitre. Leurs tombeaux voisinent avec la châsse [4] du premier d'entre eux, Eleuthère, modifiée en 1247 et installée derrière le maître autel. L'apparence de ces tombeaux est assez proche de celle des évêques d'Amiens encore conservés in situ (dalles de laiton portées par des lions).

Le chœur est séparé des autres espaces de la cathédrale par le jubé. Il n'a pas toujours existé. D'une manière générale, le jubé fait un retour en force dans les cathédrales au XIII e siècle. Celui de la cathédrale de Tournai date du XVI e et il a pour constructeurs les concepteurs de l'Hôtel de Ville. Il n'est pas tourné vers les fidèles car les chanoines n'entretiennent pas de liens pastoraux avec les fidèles, se contentant de contrôler les curés des paroisses de la ville. Il joue un rôle dans les célébrations liturgiques : plus la fête est importante, plus grand est le nombre de personnes qui montent au jubé.

À Tournai, l'office musical est d'une qualité exceptionnelle, très loin du misérabilisme imposé par le XIX e . En témoigne la messe de Tournai (1349) largement influencée par Avignon. C'est la première polyphonie sans unité. Son Ite missa est, par exemple, comporte trois voix différentes qui chantent trois choses différentes dont une chanson d'amour (Je n'ai pas réussi à vous séduire…)

L'espace des paroissiens est la nef qui abrite l'autel paroissial. Elle est impressionnante par sa taille mais il ne faut pas oublier que la cathédrale reste l' ecclesia matrix qui devrait pouvoir abriter, une fois par an, toute la population de la cité. C'est un espace profane, au même titre que le transept.

À son sujet, J. Pycke énumère toutes les fonctions qu'il remplit : c'est le lieu de vente des cierges, des images pieuses, de l'exposition de la sognie, une chandelle qui a la longueur du rempart de la ville ; c'est aussi le lieu d'exposition des enfants abandonnés, de mort des malades. On y tient les synodes diocésains. Bref c'est un espace à tout faire.

Pour terminer ce panorama de la cathédrale qui a bien restitué l'ambiance colorée [5] et sonore de la cathédrale – qu'on songe aux 48 sonneurs de la fin de l'Ancien Régime – J. Pycke évoque un document particulièrement original, une « pub » pour la cathédrale commandée par les fidèles vers 1420. Tout en elle la place au rang des plus prestigieuses : son ancienneté, son trésor de reliques, la qualité du clergé qui y officie, les miracles qui s'y sont accomplis.

[1] Pour faire « baver d'envie » les présents, J. Pycke signale deux inventaires médiévaux des archives de la cathédrale : le premier, un rouleau du XIII e siècle, est classé en fonction des auctoritates qui ont délivré les actes. Le second du XV e siècle recense 6000 documents classés selon un ordre géographique.

[2] C'est peut être l'un de ces grands vicaires et non pas un chanoine que l'on voit en train d'administrer le sacrement de la réconciliation dans le Triptyque des Sept sacrements de Roger Van der Weyden. En effet, compte tenu du peu de liens qui existent entre les chanoines et les fidèles, il est plus logique de penser que c'est un grand vicaire qui est ici représenté même s'il porte l'aumusse. En effet les grands vicaires de Tournai la portent aussi mais elle est en poils de chèvre lorsque celle des chanoines est de vair ou d'hermine.

[3] A noter la capa retro aperta dont l'orfroi est composé d'une partie vide où l'on peut glisser des dessins du saint du jour. A noter qu'une chapelle liturgique complète, au XVI e siècle, coûte autant qu'une église à trois nefs avec clocher.

[4] Comme toute cathédrale, Tournai dispose de nombreuses reliques, autant que de saints fêtés. Son trésor est donc impressionnant comme en témoigne la grande procession où toutes les châsses sont sorties du trésor et déposées sur et autour du maître-autel qui en temps ordinaire est entouré de courtines qui ne permettent pas de le voir.

[5] La cathédrale de Tournai était peinte aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur.

 

II. Le diocèse de Genève : ébauche de la notice historique par M. Fol et Ph. Généquand:

D'emblée, il faut souligner le caractère double d'une bibliographie dans laquelle la qualité de l'érudition suisse s'oppose assez fréquemment au laxisme des « ecclésiastiques français ». Cela apparaît de manière évidente dans la comparaison de la publication de l'obituaire de la cathédrale et de celui des Macchabées. Il n'y a pas de grande publication synthétique sur le chapitre cathédral de Genève, le travail de référence actuel étant le volume de l' Helvetia Sacra de 1980 consacré au diocèse de Genève et à l'archidiocèse de Vienne dont il est suffragant. Par contre il subsiste de belles séries de délibérations capitulaires pour la période 1418-1535.

Le diocèse de Genève qui fait 6 800 km 2 est marqué par le relief : 40 % de son territoire se situe à plus de 600 mètres d'altitude et cette altitude influe sur la taille des huit décanats qui sont les circonscriptions ecclésiastiques inférieures qu'il abrite. Plus on s'élève en altitude, plus leur taille est importante. Cette spécificité géographique (diocèse alpin, sillon rhodanien) n'est pas négligeable.

À côté de la cathédrale de Genève, le diocèse abrite les collégiales de Sallanches (1389), de Notre-Dame de Liesse à Annecy (1395) et des Macchabées (1406). Toutes ces collégiales sont nées avec le Schisme qui s'est révélé une aubaine et non pas une crise pour le diocèse.

Genève est devenue centre épiscopal dans la deuxième moitié du IV e siècle et son premier évêque connu est Isaac. Sa cathédrale est placée sous le vocable de saint Pierre. L'évêque est seigneur de la ville qui est dans l'immédiateté de l'empereur. Au cours du Moyen Âge, l'évêque a eu à lutter contre les comtes de Genève puis de Savoie.

En 1444, le pape de Bâle Félix V s'octroie la commende du diocèse. Lors de son ralliement à Nicolas V il obtient de pouvoir conférer ce diocèse à qui bon lui semble. Résultat, pendant près de trois quarts de siècle, le diocèse de Genève reste dans la famille des Savoie.

L'évêque est assisté de vicaires généraux à partir de 1309 puis de 1371. Ils deviennent permanents au XV e . Ces vicaires généraux se succèdent à un rythme parfois très soutenu : 25 pour l'épiscopat de Jean-Louis de Savoie (1460-1482).

Quand les absences de l'évêque se prolongent au point qu'il ne peut exercer les fonctions spécifiques de sa charge, il est suppléé par des évêques auxiliaires (dès la fin du XIV e ) qui deviennent pérennes à partir de 1443 et pratiquent la visite pastorale. Les archives conservent 5 registres de visites pastorales mais il n'y a aucune documentation pour la ville même de Genève.

L'officialité fonctionne à partir de 1225 et a fait l'objet de deux séries de statuts au XV e , statuts qui portent sur l'organisation et le fonctionnement de la cour de l'official. 70 officiaux ont été recensés entre 1225 et 1536. L'évêque de Genève est de même assisté d'un garde des sceaux également appelé notaire ou secrétaire du diocèse, d'un receveur général des finances et d'un procureur épiscopal. Son conseil épiscopal l'assiste pour tout ce qui relève de sa temporalité.

Les chanoines de la cathédrale habitent à proximité de l'Église-mère qui est flanquée d'un cloître à étage. C'est, en effet, à l'étage qu'ils tiennent leurs réunions dans la salle capitulaire. La rue des chanoines a été rebaptisée au XIX e rue Jean Calvin.

Il existe des clercs de l'évêque dès le milieu du XI e mais le terme de chapitre n'est utilisé de manière continue qu'à partir de la fin du XIIe siècle. Les statuts du chapitre sont tardifs puisqu'ils datent de 1483 mais ils sont explicitement présentés comme une mise à jour des statuts de 1292. Le chapitre est composé de 30 chanoines cooptés. Ils sont dirigés par un prévôt qui ne dispose que d'une seule prébende ; ils sont nécessairement nobles ou à défaut doivent, à partir du pontificat de Martin V, disposer d'un titre universitaire.

À côté du prévôt on relève trois offices canoniaux :

  • celui du chantre qui est le responsable des écoles
  • celui du sacriste qui a en charge le trésor conservé à la sacristie
  • celui des 8 doyens ruraux dont le rôle ne cesse de péricliter à partir du XII e siècle

Parmi les chanoines prébendés on note :

  • un maître de l'œuvre
  • un hebdomadier, semainier, chanoine tournaire
  • un chanoine calendaire
  • Ces chanoines sont assistés d'officiers qui ne sont pas chanoines, le procurator et le parvus procurator.

 

III. Les chanoines dénonciateurs et la répression des excessus prelatorum aux XIII e et XIV e siècles par J. Théry

Partant du constat qu'à partir du pontificat d'Innocent III les enquêtes contre les prélats (archevêques, évêques, abbé et autres supérieurs religieux) accusés de crimes énormes se sont multipliées, Julien Théry s'intéresse au fonctionnement concret de ces enquêtes, dans lesquelles le rôle des chanoines est important. Ce sont eux, en effet, qui rendent bien souvent la procédure possible en rapportant au pape la renommée (fama) des crimes énormes – il s'agit d'une catégorie juridique – commis par le prélat incriminé.

Dans sa thèse, il a analysé en détail l'une de ces enquêtes, menée en 1307-1308 contre l'évêque d'Albi Bernard de Castanet. Cette enquête n'est pas un cas unique, loin de là, puisque J. Théry a pu recenser plusieurs centaines cas documentés et évalue à plus de 600 le nombre d'affaires dont restent des traces pour le seul XIIIe siècle.

Les documents liés à ces enquêtes sont de natures diverses ; le plus souvent, seule une infime partie des documents concernant une affaire sont parvenus jusqu'à nous.

Les plus nombreux, de très loin, sont des mandements pontificaux (pour lesquels des incipit – par exemple du type Grave gerimus et molestum… – et des préambules spécifiques existent à la chancellerie pontificale) . Par ces mandements, qui reprennent la liste des crimes supposés commis par le prélat objet de l'enquête, le pape ordonne à des commissaires de faire une enquête non pas sur les faits, mais sur la fama concernant ces faits. Il s'agit donc d'une enquête préliminaire, qui peut avoir lieu sur place, mais aussi à la Curie. Si elle se révèle positive, le pape lance dans un second temps une enquête de vérité menée in partibus , qui porte, elle, sur la réalité des faits dénoncés. Au cours de cette étape principale de la procédure, les enquêteurs doivent réunir les preuves, c'est-à-dire, pour l'essentiel, des témoignages directs concordants. Des dossiers contenant les procès-verbaux des auditions de témoins in partibus ont parfois subsisté – mais le cas est rare. Dans un dernier temps, à partir de ces procès-verbaux ramenés par les enquêtes, des clercs de la Curie compilent des synthèses à l'intention pape ou du cardinal qu'il a éventuellement commis pour prendre l'affaire en charge. Ces recollectiones réunissent méthodiquement les éléments à charge et à décharge.

La plupart de ces procédures finissent bien pour le prélat accusé, mais il arrive qu'il soit tenu à une purgatio canonique avant d'être relaxé, voire qu'il soit déposé (plusieurs cas concernent des prélats italiens trop proches des Staufen). On connaît même un cas – certes très atypique – de condamnation à mort, celui de l'évêque de Cahors, Hugues Géraud, supplicié en 1317 pour avoir assassiné par voies occultes un neveu de Jean XXII et s'en être pris au pape lui-même par envoûtement.

Dans la mise en place de ce type d'enquête, le concile de Latran IV a marqué une étape essentielle, notamment par l'adoption du canon 8, Qualiter et quando (dont J. Théry a présenté rapidement le texte) qui fait la synthèse de deux décrétales antérieures du pape Innocent III concernant l'une les enquêtes contre les réguliers simoniaques (Licet Helie, 1199) et l'autre la procédure inquisitoire contre les prélats séculiers (Qualiter et Quando, 1206). Avant ces deux décrétales toute procédure criminelle menée à l'encontre d'un prélat était fort difficile. Le système accusatoire supposait en effet :

  • qu'on ne pouvait accuser quelqu'un d'un rang supérieur à moins de démontrer au préalable une qualité de vie au moins égale à celle du supérieur – seul cas dans lequel Gratien autorisait l' inscriptio indispensable pour toute ouverture d'une instance d' accusatio.
  • la nécessité de réunir 72 témoignages concordants pour convaincre un évêque (en vertu d'une vieille règle contenue dans les Fausses décrétales du Pseudo-Isidore).

Autant dire que l'accusation d'un prélat délinquant était chose quasi-impossible ! De fait, en pratique, les seules affaires connues avant la fin du XIIe siècle tenaient à des contextes exceptionnels, avec interventions directes d'importants personnages, religieux ou séculiers.

Avec les modifications introduites par Innocent III, la mise en cause des prélats criminels devint possible, avec l'attribution à la fama d'une fonction accusatrice. Ceux qui relayaient les accusations à la Curie pouvaient désormais le faire sous couvert de la « commune renommée », vox et fama communis , évitant ainsi de prendre le statut d'accusateurs, avec tous les risques qu'il comportait. Les dénonciateurs pouvaient d'ailleurs demeurer anonymes si le pape le jugeait bon. Dans ce cas, les lettres de mandement lançant les enquêtes n'invoquaient que la fama des crimes, en taisant les noms des chanoines ou des moines qui l'avaient portée auprès du pape – lequel procédait pleinement ex officio . Bien souvent, les dénonciateurs apparaissaient toutefois dans la procédure, comme « promoteurs » des causes et auxiliaires des juges pontificaux.

À partir du pontificat d'Innocent III, moines et chanoines affluent à la cour d'Innocent III pour dénoncer leurs supérieurs. J. Théry esquisse une typologie des situations rencontrées, à partir d'une liste d'affaires mettant en scène des chanoines dénonciateurs – liste extraite du premier recensement proposé dans son Mémoire de fin de séjour à l'École française de Rome (présenté à l'Institut en juillet 2004). Le pape met à profit ces démarches pour s'insérer dans les jeux locaux et renforcer la centralisation de l'institution pontificale. Rien ne l'oblige à agir lorsqu'une mauvaise fama lui est rapportée, mais il est informé de ce qui se passe localement. Ceux qui se rendent à la Curie dans le cadre de ces procédures effectuent au moment de se mettre en route une officielle et solennelle itineris arreptio , objet d'un acte notarié, qui les place sous la protection du pape, à l'instar des pèlerins, – même si de véritables chasses à l'homme sont parfois organisées par les évêques pour arrêter en chemin des chanoines qui tentent de faire parvenir au Saint-Siège la fama de leurs méfaits.

Finalement, ces enquêtes apparaissent aux xiii e et xiv e siècle comme un véritable moyen de gouvernement de la hiérarchie ecclésiastique par la monarchie pontificale.

À la suite de l'exposé de J. Théry, V. Tabbagh fait remarquer qu'il y a dans ces affaires un parallélisme avec les conflits opposant curés et paroissiens. Il se demande si la procédure ex officio ne se serait pas mise en place localement avant d'être généralisée par Innocent III qui l'aurait utilisée contre les Églises locales dans un jeu qui rappelle celui de l'arroseur arrosé.

 

IV. Vers un site internet pour la base Fasti, par Stéphane Raux

Chargé de préparer la base de données « Fasti », c'est-à-dire la base cumulant les bases de données diocésaines, S. Raux en a présenté la structure. Le principe de la mise en ligne de la base « Fasti » sur un site Internet accessible sur mot de passe aux seuls membres des Fasti a été accepté par notre éditeur, qui aura quant à lui la charge d'en préparer une version interrogeable par le public sur son site payant, Brepolis. Cette base Fasti recevra les versions corrigées et complétées par leurs auteurs des neuf bases diocésaines actuellement publiées ; elle pourra être nourrie par Internet ou par des fichiers ACCESS réalisés selon le modèle « Fasti légère » actuellement utilisé pour la fabrication des nouvelles bases (il s'agit seulement du transfert sous ACCESS de l'ancienne structure 4D ou Dbase).

La base « Fasti » est une base de données multi-relationnelle. La correspondance entre les champs de « Fasti légère » et ceux de « Fasti » n'est pas totale, mais les divergences ont été réduites au maximum de façon à ce que le passage de l'une à l'autre soit possible automatiquement, moyennant quelques interventions manuelles.

Les divergences se situent au niveau des noms et des parents. Dans « Fasti », la saisie de chaque nom, qu'il soit prenom, pre_bis, nom, nom_bis, nom_franc ou nom_list, donnera lieu au renseignement de trois champs pour former une « table » des noms :

  • nom
  • type : est-ce un nom ou un prénom ?
  • langue : est-ce du latin ou du vernaculaire ?
  • Le remplissage de ces champs sera automatique, sauf pour nom_bis ou le champ langue sera à renseigner manuellement. En revanche, les interventions manuelles sur l'édition des notices et les index, jadis signalés par un @, n'auront plus lieu d'être.

De même, le champ « parents » de « Fasti légère » correspondra à une table des parents et comportera quatre champs pour chaque parent :

  • lien : quel lien de parenté avec le chanoine ?
  • nom
  • fonction : celle de ce parent
  • numéro Fasti : celui de ce parent s'il est déjà répertorié

Il est donc conseillé à tous d'adopter une nouvelle syntaxe pour l'écriture des données dans le champ « parents » de « Fasti légère ». Pour chaque parent, écrire la séquence [lien]-[nom], [fonction] ([numéro]). Les crochets carrés sont là pour isoler chaque élément ; ils ne sont pas à saisir, contrairement au tiret, à la virgule et aux parenthèses. Chaque parent est séparé du suivant par un point virgule.

Pour tous les autres champs, la syntaxe définie pour « Fasti légère » reste inchangée. On notera que le non-respect de cette syntaxe sera détectée lors du transfert automatique d'une base « Fasti légère » dans la base « Fasti », et, pour chaque anomalie détectée, une intervention manuelle sera à prévoir.

V. Le reseau des cathédrales bénédictines de la province de Toulouse, par F. Ryckebusch

Faute de temps, Fabrice Ryckebusch n'a pas pu intervenir lors de cette séance. Son intervention est reportée à la prochaine session.

Ce compte rendu a été réalisé à partir des notes de Fabrice Ryckebusch et de Sofiane Abdi qui vous prient de les excuser s'ils ont laissé passer des informations essentielles.

Pour commander le volume.

Contenu du volume :

  • 477 pages.
  • 881 notices prosopographiques.
  • 23 biographies d'évêques.

Ce volume comprend en outre une carte du diocèse, ainsi qu'une note sur le quartier des cathédrales, une présentation par Claire Maître de la très ancienne et très riche bibliothèque du chapître d'Autun et une étude par Brigitte Maurice-Chabard des rénovations et aménagements liturgiques dont a été l'objet la cathédrale Saint-Lazare à la fin du Moyen-Age.

 

Diocèse d'Autun : note liminaire, par Hélène Millet

La parution du douzième volume de la collection Fasti Ecclesiae Gallicanae clôt une époque et en ouvre une autre. L'équipe qui a pris ma succession pour diriger le programme a en effet superbement assuré le relais puisque le Diocèse d'Autun paraît moins d'un an après son entrée en fonctions et démontre ainsi pleinement son efficacité. Le travail de recherche effectué par Jacques Madignier témoigne en revanche des longs efforts qu'il faut fournir avant de pouvoir prétendre publier.

Le DEA que ce professeur dans l'enseignement secondaire a présenté à l'Université de Bourgogne en 1995 portait encore les traces de ses premiers travaux sur la mort, entrepris dans le sillage de Georges Duby, et finalement abandonnés pour le plus grand bénéfice de la recherche canoniale. Sur les conseils de Vincent Tabbagh, Jacques Madignier est passé du nécrologe autunois au chapitre et aux chanoines qui l'avaient composé, prenant alors pour cadre chronologique de sa thèse une longue période de quatre siècles s'achevant à la fin du XIVe siècle.

Comme chacun sait, le métier d'enseignant exige de gros investissements en énergie de la part de ceux qui l'exercent; la persévérance dont a fait preuve Jacques Madignier est donc en elle-même un tour de force, dont il se plaît à dire qu'il fut favorisé par son entrée dans le groupe des Fasti. Mais il est juste aussi de saluer la passion dont il est habité et dont nous avons été les témoins lors de divers exposés présentés aux réunions bisannuelles du groupe. Nous avons un souvenir particulièrement vif de cette séance sur la gestion de leurs vignes par les chanoines d'Autun, qui s'est achevée par une dégustation de vin du Clos des chanoines. Heureuse Bourgogne !

À l'automne 2007 enfin, Jacques Madignier est devenu docteur en histoire à l'issue d'une belle soutenance. Fort de ce succès, il s'est immédiatement lancé dans la préparation du volume d'Autun. Cela supposait en premier lieu de prolonger les recherches dans les archives du XVe siècle ainsi que l'exige le contrat chronologique de la collection. Jacques Madignier s'est acquitté de cette tâche tout en constituant sa base de données et en s'assurant de collaborations pour la rédaction des chapitres préliminaires. Les beaux vestiges du prestigieux passé d'Autun nous sont parvenus en nombre et ont retenu l'attention des chercheurs. Grâce aux contributions de Claire Maître pour la bibliothèque capitulaire, de Brigitte Maurice-Chabard pour les aménagements de la cathédrale Saint-Lazare, nous pouvons restituer les chanoines dans leur contexte patrimonial.

Parmi les membres des Fasti, Jacques Madignier a aussi bénéficié d'aides variées, que ce soit pour la collecte des informations, pour l'interprétation des sources ou pour la mise en forme des résultats. Il m'a prié d'être son interprète pour que soient publiquement remerciés ceux grâce auxquels le volume d'informations s'est accru de renseignements récoltés hors des archives autunoises, et particulièrement Janine Mathieu et Laurent Vallière pour les archives pontificales, ainsi que Pierre Desportes, Pascal Montaubin et Amandine Le Roux. Grâce à Yves Esquieu, il a pu rendre leur cohérence aux nombreuses observations archéologiques que son inlassable curiosité pour les bâtiments et les lieux l'avait poussées à rassembler et il a trouvé en Hugues Labarthe l'expert en géographie historique par qui ses cartes et ses schémas, déjà fort aboutis, sont devenus des modèles pour les futurs volumes de la collection.

Pour l'achèvement du livre, Jacques Madignier a pu compter sur les services de la nouvelle équipe mise en place pour relayer les retraitées. La fabrication de la première partie a été terminée par Giliane Thibault, secrétaire du CERHIO-Angers (UMR 6258), qui prend ainsi la succession d'Irmine Martin à qui les Fasti doivent la mise en page de tous les précédents volumes de la collection. Le maître d'oeuvre des chapitres préliminaires est désormais Jean-Michel Matz, rompu à l'art de repérer les bévues aussi bien scientifiques que rédactionnelles. Quant aux données prosopographiques, elles sont contrôlées par Vincent Tabbagh à toutes les phases de leur élaboration, tant au niveau de leur saisie que pour la qualité de leur édition. Après avoir éprouvé les vertus de patience de son directeur de thèse, Jacques Madignier a ainsi pu se frotter à son aimable rigueur et faire son profit des remarques que lui inspirent son expérience et son érudition, avec une inlassable générosité.

Avec ce douzième volume, les Fasti font leur première percée dans la province ecclésiastique de Lyon. La mosaïque destinée à couvrir toute la France commence à se dessiner. La base de données compte actuellement plus de 13 500 notices et l'arrivée de jeunes chercheurs fait espérer que les vides vont peu à peu être comblés. Sylvette Guilbert entre dans la phase des finitions pour le diocèse de Châlons-en-Champagne. Quant à la base cumulative, elle requiert encore trop d'ajustements et de relectures pour que soit précisément annoncée son ouverture au public. J'aurais aimé quitter la direction du programme avec la satisfaction d'avoir franchi ce nouveau cap. Le diocèse d'Autun aura permis à mes successeurs de prouver qu'ils sauront faire mieux et plus vite tout ce que j'avais rêvé d'accomplir. Ce sont eux qui prendront la plume pour rédiger la «note liminaire» du prochain volume à paraître.

Paris, le 3 juillet 2010, Hélène Millet, ancien directeur du programme.

 
 

Extraits du volume concernant le diocèse d'Autun

Jean I Rolin, évêque d'Autun

Johannes Rolini, n°628

(20 août 1436-†1er juillet 1483)

1 - Il était né en 1408 de Nicolas Rolin, alors avocat au Parlement et futur chancelier de Bourgogne et de sa seconde femme, Marie des Landes, fille d'un bourgeois de Paris. Il appartenait à la grande bourgeoisie de service dont le duc de Bourgogne avait fait la fortune. Son frère Guillaume, seigneur de Beauchamp, épousa Marie de Levis-Cousan. On lui connaît cinq enfants naturels, dont Pierre, protonotaire apostolique, Sébastien qui fut seigneur de Chaseul, Brion et Laisy, et Jeanne qu'il eut tous trois de Jeanne de Gouy, une demoiselle, et qu'il fit légitimer en 1464 par le duc de Bourgogne. Jean, le fils qu'il eut d'une religieuse d'Avignon, Raymonde de Roussy, fut légitimé par le roi en 1485 et devint à son tour évêque d'Autun (629). Un autre fils, Blaise, naquit d'Alexie Renier.

2 - L'administration ducale, influencée par l'italianisme à la mode auprès du duc, lui offrit la possibilité de se rendre à l'Université de Bologne. En 1428, il était inscrit sur la liste des docteurs en droit civil. De retour en France, il fréquenta l'Université de Paris où il devint bachelier et licencié en décret. Il quitta Paris pour Louvain où on découvre avec étonnement qu'il acquit de nouveau le grade de licencié en lois. C'est peut-être là qu'il prit aussi le grade de docteur en décret.

3 - Sa carrière bénéficiale commença alors qu'il était encore très jeune. Il avait à peine une dizaine d'années lorsque son père convoita déjà pour lui une prébende de l'église Saint-Quiriace de Provins. Par deux bulles fulminées le 19 juillet 1421, mais datées du ler février 1418 à Constance, Martin V lui conféra un bénéfice venant à vaquer à la nomination soit de Saint-Étienne soit de Saint-Bénigne de Dijon, alors qu'il était curé d'Étaules. C'est aussi sur l'intervention de son père qu'il devint dès 1422 chanoine de Besançon, dès 1426, chanoine de Saint-Géry de Cambrai et chanoine d'Autun. En 1427 il accéda à l'archidiaconat d'Autun à la place de Ferry de Grancey. Il n'avait alors que vingt ans. En 1430, il obtint une prébende à Langres. C'est encore grâce à son père qu'il reçut avant 1431 le titre de protonotaire apostolique. En 1431 il fut élu au siège de Chalon-sur- Saône et dans les mois qui suivirent il devint prieur de Saint-Marcel de Chalon et archidiacre de Valenciennes au diocèse de Cambrai.

4 - Il fut nommé sur le siège d'Autun le 20 août 1436 par le pape Eugène IV sur intervention du duc Philippe le Bon. La lettre de congratulation que ce dernier envoya le 25 septembre 1437 à Nicolas Rolin ne laisse aucun doute sur le rôle joué par l'influence ducale. Son entrée solennelle eut lieu le 21 janvier 1438. Il dut réclamer le pallium que le pape avait omis de lui remettre et pour justifier de ce privilège, il dut produire copies et extraits d'actes. Le pallium lui fut remis par Nicolas V en 1448.

5 - Sa présence à Autun fut finalement assez soutenue, malgré ses séjours réguliers à Beaune, Dijon, Avignon et Paris où il vécut les dernières années de sa vie. À Autun même il résidait dans une maison du cloître, mais il fréquentait plus régulièrement les domaines de Thoisy et Lucenay et les demeures épiscopales dans lesquelles il fit réaliser des nombreux travaux d'aménagement. Son souci d'une gestion modernisée du temporel épiscopal conduisit à la rédaction de terriers et à la remise en état des cartulaires. Suivant les recommandations du concile de Bâle, il encadra avec beaucoup de régularité les pratiques du clergé et des fidèles. Il semble avoir tenu assez régulièrement, de 1448 à 1483, les deux synodes annuels et il fit rédiger de nouveaux statuts synodaux (les premiers avant 1449, les seconds en 1468). Il encouragea l'organisation de méparts, c'est-à-dire de communautés organisées de prêtres d'une paroisse très unportante à Marcigny, à Paray-le-Monial en 1451, à Arnay-le-Duc en 1472. En 1459, il consentit à l'union des léproseries et hôpitaux du lieu avec le mépart de Flavigny qui avait été fondé en 1456 par Quentin Ménard, archevêque de Besançon, natif du lieu. En revanche ses visites pastorales furent peu nombreuses; les seules qu'il consentit furent des visites d'ordination de clercs qui symbolisaient davantage son autorité sur le clergé.Ses orientations politiques étaient bien plutôt relayées par le reseau de ses proches et par les archidiacres issus de son lignage. Les rapports avec les chanoines du chapitre cathédral furent relativement cordiaux. Il arbitra en leur faveur l'affaire des reliques de Lazare que la collégiale d'Avallon prétendait posséder; il se rendit même en visite à Avallon pour tenter de les récupérer. De la même façon, il défendit les intérêts du chapitre cathédral menacé de perdre le patronage de l'église Notre-Dame par l'érection dans cette église d'un collège séculier à la demande de Nicolas Rolin son père; dans ce cas précis, il n'hésita pas à dénoncer les agissements de son frère Guillaume à qui avait été confiée la collégiale ... et à qui avait été légué l'hôtel familial sis dans la ville épiscopale. Toutefois cela n'empêcha pas les chanoines, lassés des inconduites et des malversations du prélat, de le rappeler à l'ordre. Il institua dans sa cathédrale la fête de tous les saints évêques d'Autun à célébrer une fois par an, le dimanche suivant la fête de saint Denis. À la collégiale de Beaune, il fonda un office solennel de saint Lazare et celui de saint Vincent le 22 janvier. Il sut particulièrement bien s'entourer, notamment avec Ferry de Clugny (292), futur évêque de Tournai et cardinal.

6 - Jean Rolin parvint sur le siège de Chalon puis d'Autun sans véritable passage dans l'administration princière. Le fait d'appartenir à une puissante famille le dispensait peut-être d'une telle expérience. En 1437, il participa au concile de Bâle en compagnie de l'évêque de Chalon. Il faut attendre son retour de Bâle pour le voir qualifié de conseiller du duc de Bourgogne. Finalement il fréquenta peu la cour ducale et ne participa guère aux ambassades, si ce n'est à celle de 1459 qui le conduisit à Mantoue auprès du pape pour représenter Philippe le Bon dans la préparation d'une éventuelle croisade contre les Turcs. Il était un ardent défenseur de la politique ducale à tel point que la disparition de Charles le Téméraire le conduisit à préférer un temps Rome. Contrairement aux évêques promus par le roi, il était très attaché à la conception centralisée de l'Église. Son accession au cardinalat ne fit que renforcer cette tendance. En février 1444, Jean Rolin dut assurer la régale du siège de Lyon. À cet effet, il envoya une délégation de quatre vicaires qui cessa, moins de deux ans plus tard, à l'élection du nouvel archevêque Charles de Bourbon. À la fin de sa vie, par réalisme politique, il se rapprocha du roi.

7 - C'est sans doute sur la demande de Philippe le Bon que le nouveau pape Nicolas V promut, le 20 décembre 1448, Jean Rolin cardinal prêtre de San Stefano in Coelo Monte. À partir de là, s'ouvrirent pour lui de nouvelles perspectives pour une carrière bénéficiale. Dès 1449, il était fait prieur de Saint-Martin de Cambrai; en 1451, prieur d'Anzy-le-Duc (diocèse d'Autun); de 1456 à 1471, abbé de Baleme (diocèse de Saint- Claude); de 1461 à 1468, il assura le patronage de l'Hôtel-Dieu de Beaune; en 1462, il devint abbé de Saint-Martin (diocèse d'Autun); en 1469, abbé de Flavigny (diocèse d'Autun), abbé d'Oigny (diocèse de Langres); en 1474, chanoine de Beaune (diocèse d'Autun). Il fut également abbé commendataire de l'abbaye cistercienne de Bellevaux (diocèse de Besançon).

8 - Poursuivant la politique de mécénat inaugurée par son père, Jean Rolin fit étalage d'une très grande générosité alliée à un faste ignoré jusque-là à Autun. Il transforma totalement la cathédrale Saint-Lazare frappée par la foudre en 1469. Les absides romanes endommagées furent reconstruites en style gothique; sur la tour carrée du transept fut édifiée une longue pointe de pierre. L'intérieur fut remanié avec la construction d'un jubé et d'une tribune d'orgue. Il dota aussi la cathédrale d'un somptueux ensemble de livres liturgiques enluminés qui fut conservé dans le trésor du chapitre. Son mécénat ne s'arrêta pas à l'église-mère d'Autun et s'étendit à toutes les églises qu'il plaça sous sa protection. À Saint-Symphorien où il était prieur, il fit déposer les reliques du saint et de ses parents dans une nouvelle châsse; à Saint-Martin, il fit transférer le tombeau de Brunehaut de la crypte au bas-côté de la nef; pour la collégiale Notre-Dame de Beaune, il commanda une vaste tapisserie relative à la vie de la Vierge qui ne fut livrée qu'en 1500 par le chanoine Hugues Le Coq (481). Partout il multiplia les fondations de chapelles: à Saint-Lazare, il fonda en 1453 la chapelle dédiée à saint Vincent dans le collatéral ouest, la chapelle Sainte-Geneviève dans le collatéral est; à Saint-Andoche de Saulieu, il édifia la chapelle qui fait aujourd'hui office de sacristie. Pour financer ce large mécénat, il fit appel à ses biens propres, mais surtout à la fiscalité épiscopale qui multiplia les subsides, les dons gratuits et les prélèvements casuels sur le clergé. Jean Rolin fut aussi un grand amateur de livres, enthousiasmé par l'Humanisme et l'imprimerie. Lors de son installation à Paris, il apporta avec lui une partie des livres qu'il avait rassemblés dans sa demeure d'Autun. Il fut un généreux donateur de livres dont furent gratifiées de nombreuses institutions religieuses, au premier rang desquelles le chapitre cathédral d'Autun. Il se montra aussi très généreux envers deux établissements parisiens, l'abbaye Sainte- Geneviève et le couvent des Carmes de la place Maubert.

9 - Le cardinal évêque décéda d'une longue maladie. Officiellement il s'éteignit à Cravant près d'Auxerre le 1er juillet 1483. Plus vraisemblablement, il mourut à Paris. Dans ses ultimes volontés, il choisit à Autun trois lieux de sépulture: la collégiale Notre-Dame, l'abbaye Saint- Martin et la cathédrale Saint-Lazare. Son corps, ramené à Autun, fut enseveli à Saint-Lazare, à gauche du maître-autel. Un tombeau de coeur fut placé dans la chapelle Sainte-Apolline du jubé qu'il avait fait édifier. Il avait fondé un anniversaire à la collégiale de Vergy dans son diocèse. Son obit à Sainte-Geneviève de Paris était célébré le 6 mai. Il avait fait également une fondation aux Célestins de Paris pour qu'un de ses frères prie pour lui à perpétuité. Membre de la grande confrérie aux prêtres et aux bourgeois de Paris, il avait fondé dans la capitale, pour ses parents, un obit solennel à Saint-Germain-l'Auxerrois.

10 - Son portrait figure sur la Nativité peinte à la fin du XVe siècle par Jean Hey. Il y est représenté, agenouillé, tête nue, dans la pourpre cardinalice, les épaules recouvertes d'hermine.

11 - Sceau: grand sceau elliptique. Sous une décoration architectonique figurant trois niches, trois saints; à droite et à gauche, saint Nazaire et saint Celse; au centre, à cause du titre de cardinal, saint Étienne vêtu de la dalmatique et la tête surmontée des deux bosses de son martyr. Au dessus la Vierge tenant l'Enfant Jésus accostée de deux anges à genoux. En bas dans une petite niche, un évêque en costume pontifical accosté de chaque côté de l'écu des Rolin surmonté du chapeau.

LÉGENDE: JOHANNIS ROLINI CARDINALIS ET EPI(SCOPI) EDUEN(SIS)

Armoiries: elles figurent à droite du même tableau. Écu coiffé du chapeau de cardinal, écartelé aux 1 et 4 d'azur à trois clefs d'or posées en pal, aux 2 et 3 d'argent à la bande azur chargée en chef d'une pie d'argent becquée et membrée de gueules. Sa devise: Deum time.

B8546

AD Côte d'Or, B 11195 et 11196 (légitimation de ses enfants), G 147.

AD Saône-et-Loire, G 544/1 ; 2 G 52, 54, 59; 5 G 68, 1452, 1477, 1478 (fondation de messes et anniversaires).

Obituaires de la province de Sens, t. I, p. 500, 729, 848.

Ph. GAGNARE, Histoire de l'Église d'Autun, Autun, 1776, n° 76, p. 167 et ss.

Gallia christiana, t. IV, col. 419-420.

K. EUBEL, Hierarchia catholica Medii AEvi, t. II, p. 11 et 80.

Abbé BOULLEMIER, J. d'ARBAUMONT, « Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne. Notice historique sur sa famille », Revue nobiliaire, t. 3, 1865,53 p.

A. DELANNE, « Un des fils de Nicolas Rolin, chanoine de Langres », Congrès de l'association bourguignonne des sociétés savantes, Beaune, t. 9, 1932,p. 51-52.

J. RÉGNIER, Les évêques d'Autun, Autun, 1988, p. 129-136.

H. DE FONTENAY, Essai sur les sceaux et armoiries des évêques d'Autun, Angers, 1867, p. 10-11.

A. DE CHARMASSE, « Notes sur l'inventaire des livres liturgiques donnés à l'église Notre-Dame d'Autun par Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne», Mémoires de la Société éduenne, t. 33, 1909, p. 286.

Regards sur les manuscrits d'Autun (VIe-XVIIIe), publication de l'IRHT et de la ville d'Autun, 1995,p.129-145.

S. CASSAGNES-BROUQUET,« Le cardinal Rolin, un mécénat fastueux », Hommes d'Église et pouvoirs à l'époque bourguignonne (XIVe- XVe siècles), Publication du Centre européen d'études bourguignonnes, n° 38, 1998, p. 169-185.

B. MAURlCE-CHABARDL, la splendeur des Rolin. Un mécénat privé à la cour de Bourgogne, Paris, 1999.

I. GUYOT-BACHY,« L'inventaire des livres de Jean Rolin trouvés en son hôtel parisien en 1483 », La Splendeur des Rolin. Un mécénat privé à la cour de Bourgogne, Paris, 1999, p. 249-250.

V. TABBAGH, « Les évêques du royaume de France en 1438 », Gens d'Église, gens de pouvoir (France XIIIe-XVe siècles), Dijon, 2006, p. 87- 186.

J.-P. BRELAUD, Les chanoines de la collégiale Notre-Dame de Beaune au XVe siècle, mémoire de Maîtrise d'histoire, Université de Bourgogne, 1997, t. II, p. 96, n° 23l.

D. LANNAUD, Les évêques des diocèses bourguignons à la fin du Moyen Âge, thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 2007.

S. STELLING-MICHAUD«, La nation de Bourgogne à l'université de Bologne du XIIIe au XVe siècle », MSHDB, t. 17, 1956, p. 7-43.

F. JOUBERT,« Tel un prince en son diocèse, Jean Rolin, cardinal-évêque d'Autun », L'artiste et le clerc. Commandes artistiques des grands ecclésiastiques à la fin du Moyen Âge (XIVe-XVIe siècles) , Paris, 2006 (Culture et civilisation médiévale, 36), p. 105-182.

 

Extraits du volume concernant le diocèse d'Autun

Jean II Rolin, évêque d'Autun

Johannes II Rolini, n°629

(8 juin 1500-†4 août 1501)

1 - La tradition ecclésiastique autunoise l'a longtemps prétendu fils du frère cadet du cardinal, Antoine Rolin, seigneur d'Aymeries et chambellan de Charles le Téméraire. La réalité est tout autre. Les lettres de légitimation accordées par le roi Charles VIII en 1485 témoignent de sa filiation: il était le fruit de la liaison que le cardinal Jean Rolin entretint de longues années avec Raymonde de Roussy, religieuse à Avignon.

2 - Sans doute fréquenta-t-il l'université de Paris, car en 1481, il dirigeait le collège de Navarre à Paris. Il portait le grade de docteur in utroque jure.

3 - Dans un premier temps, il mena une vie de gentilhomme introduit à la cour de Bourgogne. En 1472, il remporta le tournoi de Valenciennes organisé par Jean de Luxembourg pour la fête de la Toison d'Or. En 1473, il était mentionné comme conseiller-clerc au Parlement de Malines Installé par Charles le Téméraire. Un peu avant 1480 sa vie bascula lorsqu'il fit le choix d'une carrière ecclésiastique. Cette nouvelle orientation s'inscrivait-elle dans une logique lignagère ou était-elle la volonté de racheter la faute de ses origines? Il est difficile de le dire même si dans son testament Jean II évoquait la faute de sa conception. Dès 1481, il benéficia de la résignation de son père pour devenir prieur de Saint- Marcel de Chalon et abbé de Saint-Martin d'Autun. En 1482, il obtenait une prébende à la collégiale de Beaune et le décanat de la collégiale de Semur-en-Brionnais. En 1484, c'est sur la recommandation du nouvel évêque Antoine de Chalon qu'il accéda au décanat d'Autun. Sa vie politique passa de la fidélité à la maison de Bourgogne au ralliement à la couronne et suivit intimement sa carrière bénéficiale. À la mort du Téméraire, il resta au service de Marguerite d'York, devint maître des requêtes du duc d'Autriche et apparut au côté de Marie de Bourgogne. En juin 1481, Maximilien et Marie le désignèrent comme leur ambassadeur à Rome avec Juste, évêque de Ceuta et Claude Carondelet, doyen de Besançon. Cela lui valut d'être nommé en 1481 protonotaire apostolique. Il continua de la même façon à participer régulièrement aux États de Bourgogne (1483, 1485, 1490, 1493). En 1484, les élus de Bourgogne le désignèrent comme ambassadeur auprès du roi ce qui lui permit un rapprochement avec la couronne: il devint alors conseiller du roi puis entra au Parlement de Paris; d'abord clerc-conseiller, il gravit rapidement les échelons en devenant président aux enquêtes puis en 1496 au plus tard président de la chambre des requêtes, ce qui lui permit d'obtenir du chapitre de Notre-Dame de Paris, quoiqu'il n'en fût pas membre, une maison du cloître. En 1494, il était à Lyon, l'un des procureurs de l'archevêque André d'Espinay.

4 - Son accession au siège d'Autun ne fut pas simple. Avant de mourir, Antoine de Chalon avait assuré Olivier de Vienne (693), chanoine de Lyon, de l'obtention du siège épiscopal et le candidat pouvait se prévaloir de l'appui du pape Alexandre VI. Toutefois les chanoines, qui n'avaient en aucun cas été consultés, saisirent les encouragements du roi de France Louis XII à ne pas respecter le marché passé et décidèrent de choisir librement leur évêque. Le 8 juin 1500, ils votèrent en faveur de leur doyen Jean Rolin, dont le roi avait suggéré le nom. En compensation Olivier de Vienne se vit offrir le décanat qu'il résigna très rapidement. Sa disparition prématurée permit un arrangement rapide. Le pape par une bulle de novembre 1500 porta provision de l'évêché d'Autun, vacant par la mort d'Olivier de Vienne en faveur de Jean II Rolin.

5 - Son mandat fut de très courte durée. En 1501, il reçut le pallium des mains de l'évêque de Chalon. Les comptes du chapitre cathédral attestent qu'il occupa la même maison du cloître durant son décanat et son épiscopat.

9 - Il mourut en août 1501, sans doute le 4. Dans ses dernières volontés, il demandait à être inhumé dans la cathédrale Saint-Lazare, dans la chapelle de la Sainte-Croix, située dans le bas-côté est, qu'il avait ensuite confiée au patronage de saint Martin. Il précisait de surcroît qu'il souhaitait des funérailles modestes, appelant à la protection de Lazare, demandant la participation de six enfants d'aube et de trente et un pauvres, requérant la prière des frères Mineurs récemment installés dans la cité éduenne. Il fondait anniversaire dans les monastères de la cité, à Saint-Martin, Saint- Symphorien et Saint-Andoche.

11 - Armoiries: d'azur à trois clefs d'or mises en pal avec la devise: Tibi soli (À toi seul).

AD Côte d'Or, B 85, fol. 5v.; B 289; B 2483, fol. 217v; B 2497, fol. 16r; B 4112, fol. 47v.

AD Saône-et-Loire, H supp. 5, abbaye Saint-Martin, testament de Jean Il Rolin. 5 G 311,5 G 312, 5 G 313.

AD Nord, B 345.

AD Rhône, 10 G 1377.

AN, LL 126, p. 435.

AN, LL 126, p. 435.

Ph. GAGNAIRE, Histoire de l'Église d'Autun, Autun, 1776, n°78.

K. EUBEL, Hierarchia catholica Medii AEvi, t. II, p. 81.

Gallia christiana,t. IV, col. 421.

J.RÉGNIER, Les évêques d'Autun, Autun, 1988, p. 139-140.

J. BILLlOUD, Les États du duché de Bourgogne jusqu'en 1498, Paris, 1911, p. 188,276-278.

E. MAUGIS, Histoire du Parlement de Paris de l'avènement des Valois à la mort d'Henri IV, Paris, 1913-1916, t. III, p. 117.

J.-P. BRELAUD, Les chanoines de la collégiale Notre-Dame de Beaune au XVe siècle, mémoire de Maîtrise d'histoire, Université de Bourgogne, 1997, t. II, p. 97, n° 232.

J.-B. DE VAIVRE, « La véritable origine de Jean II Rolin, évêque d'Autun », Mémoires de la Société éduenne, nouvelle série, t. 56, fasc. 3, 1999-2000, p.353-354.

D. LANNAUD, Les évêques des diocèses bourguignons à la fin du Moyen Âge, thèse de doctorat, Université de Bourgogne, 2007.

diocese autun