Recherche Lexique canonial

Compte rendu de la réunion de l'équipe des Fasti du 27 janvier 2006

 

Informations générales

Hélène Millet ouvre la journée d'étude avec plusieurs informations:

Elle présente d'abord les excuses d'Anne-Lise Rey-Courtel, empêchée de venir présenter son exposé sur les biographies des 54 cardinaux du temps de Clément VII . Les travaux sont déjà assez avancés pour pouvoir répondre aux demandes de recherche sur les 25 cardinaux du Midi ( les 2 Aigrefeuille, Ameilh, Atgier, les 2 Aycelin de Montaigut, Blauzac, les 2 Chanac, les 2 Cros, les 2 Flandin, Grimoard, Lautrec, Maignac, Malesset, Monteruc, Murol, du Puy, Raymond de Barrière, Saint-Martial, Saint-Saturnin, Sortenac, Vergne) ainsi que sur Fétigny, Girard, la Grange, Luxembourg, Montrelais, Noellet, Rossi da Giffone, Saluces, Talaru, Thurey et Vergy (Pour contacter Anne-Lise Rey-Courtel: anne.lise.rey.courtel@wanadoo.fr,mail).

Il faut avoir une claire conscience du nouveau jeu des financements de la recherche . Le GDR Salvé a été classé 1 er ex-aequo par la commission 32 du CNRS. Ce GDR, qui accueille l'équipe des Fasti, créée il y a 12 ans, est donc en passe d'être renouvelé pour quatre ans. Mais d'ici 2010 le temps des GDR aura vécu.

La création de l'Agence Nationale de la Recherche modifie le jeu de la recherche de crédits : elle ne rémunère plus des équipes mais s'engage temporairement sur des programmes. En février 2005, l'ANR ne proposait aucun financement en direction des Sciences de l'Homme et de la Société. En juillet 2005, des dotations de 16 000 à 60 000 euros ont été réservées aux dossiers soumis avant septembre.

Il faut distinguer plusieurs types d'appels à projets :

  • projet blanc (avant le 20 mars 2006) = aucune thématique requise. Un maître mot : l'innovation.
  • projets présentés par de jeunes chercheurs (ie < 39 ans).
  • projets thématiques SHS : conflits, guerre et violence ; apprentissage, formation et société ; corpus et outils de la recherche en sciences humaines.

Les crédits peuvent servir à la rémunération de personnel temporaire sur CDD. Pour plus d'informations, rendez-vous à l'adresse suivante : http://www.gip-anr.fr/templates/appel-a-projet.php?NodId=17.

D'autres opportunités de financement peuvent intéresser les chercheurs réunis autour des Fasti : ce sont les agences de crédits locales . Ainsi Christine Barralis a obtenu un financement de 35 000 euros en soumettant un projet de recherche aux Partenariats Institutions-Citoyens pour la Recherche et l'Innovation (PICRI), financés par la région Ile-de-France. Il s'agit pour les chercheurs de conduire leur travaux en partenariat avec le monde associatif (CB a proposé une formation à la paléographie, au travail en archives, la préparation d'une exposition sur la cathédrale de Meaux et son quartier). Pour plus d'informations : http://www.iledefrance.fr/data/info/98928.pdf

Une nouvelle version du Petit Guide est disponible sur demande à Madame Martin (martin@cnrs-orleans.fr, mail). Attention : de nouvelles consignes sont à respecter pour la saisie des données dans le champ « parents », et quelques modifications ont été introduites pour la présentation des références. Ces ajustements sont destinés à préparer les bases diocésaines à leur entrée dans la « base Fasti » : celle-ci sera bientôt disponible en ligne aux auteurs à qui sera délivré un code d'accès. A partir de ce nouveau s ite web à usage privé , il sera possible de créer une base diocésaine, sans passer par l'intermédiaire d'ACCESS. Le système créé par Stéphane Raux permet de visualiser immédiatement les notices selon leur format d'édition, ce qui devrait considérablement faciliter le travail de saisie. Chaque auteur des fascicules édités participe en ce moment à la révision des notices prosopographiques. Une fois cumulées, les données de ces bases seront remises à Brepols pour leur mise en ligne sur le site, public mais payant, Brepolis . La livraison est prévue pour la fin 2006.

Le séminaire l'Eglise et les Eglises (présentation du séminaire : http://www.histoire.ens.fr/sem/medievale.html ) a invité les Fasti, en la personne de Christine Barralis (LAMOP), le 2 décembre 2005 pour une réflexion sur le thème : Que veut dire l'expression « ecclesia meldensis » à la fin du Moyen Age ?

La journée du 26 novembre 2005, Devenir évêque , organisée par Véronique Julerot a connu un grand succès. On trouvera sur le site du Lamop la bibliographie de référence et les résumés des communications. La prochaine réunion se tiendra le 21 octobre 2006 et aura pour thème : La consécration épiscopale .

Il n'aura pas échappé à certains curieux que, sur le tableau de la Vierge au manteau , conservé au Musée Crozatier du Puy-en-Velay, l'aumusse du chanoine est unicorne. Voilà une spécificité vestimentaire du chapitre du Puy, attestée en outre par des pierres tombales.

Nouvelles publications présentées :

  • Lecture et lecteurs en Bourgogne du Moyen Age à l'époque contemporaine , V. Tabbagh dir., Annales de Bourgogne (77), 2005.
  • Formation intellectuelle et culture du clergé dans les territoires angevins (milieu du XIIIème-fin du XVème siècle), J.-M. Matz et M.-M. de Cevins dir., Rome, 2005 (Collectionde l'Ecole française de Rome 349).
  • A Igreja e o clero Portugues no Contexto Europeu (The Church and the Portuguese Clergy in the European Context) , Lisbonne, 2005.
  • Un article de J. Pycke ; “L'examen d'un groupe social local devenu international: la prosopographie du chapitre cathédral de Tournai de 1080 à 1340”, p.207-232.

Un catalogue prosopographique pour la cathédrale de Braga déposé en G687 (donc référence actuellement inaccessible), où l'on trouve des méridionaux français du XIVème siècle.

Catherine Vincent annonce que le prochain Colloque International de la CIHEC (Commission d'Histoire Ecclésiastique Comparée), aura lieu à Paris en 2007 sur le thème de la liturgie.

A noter : la prochaine école d'été organisée par le CERCOR, à destination des doctorants et autres chercheurs en histoire religieuse, aura lieu à Saint-Etienne du 21 au 25 août 2006 sur le thème de la réforme, avec une initiation au droit canon, à la codicologie, l'iconographie, la liturgie etc. Le prix en est de 130 euros, voyage non compris. Programme et bulletin d'inscription seront diffusés séparément. Eventuellement les réclamer à Mme Hélène Morin (helene.morin@univ-st-etienne.fr).

 

Fabrice Ryckebusch, Cathédrales bénédictines dans le midi de la France.

Dans le cadre de sa thèse, F. R. explore les indices de la politique réformatrice de Jean XXII : en compagnie de M. Fournié et d'A. Arcin, il avait déjà présenté une relecture des motivations présidant à la création de la province ecclésiastique de Toulouse ( RHE (98) 2003, p.29-60). Le choix d'ériger des cathédrales bénédictines participerait à cette volonté réformatrice dans le prolongement des réformes introduites chez les OSB par le concile de Vienne et ouvrirait la voir à la Benedictina de son successeur. Certains éléments, en effet, en sont mis en place dès le pontificat de Jean XXII.

F. R. a étudié un dossier documentaire intéressant les sièges bénédictins méridionaux de Montauban, Saint-Papoul, Condom, Sarlat, Castres, Tulle, Saint-Flour, Vabres, Alet et Saint-Pons de Thomières. En plus d'une prosopographie des moines de ces cathédrales, il exploite les bulles de fondation, un registre de secrétariat de l'évêché de Vabres, divers statuts capitulaires - parmi lesquels ceux de Condom rédigés en 1343 - un procès-verbal de l'élection épiscopale à Sarlat par les chapitres de la cathédrale et de la collégiale Notre-Dame de Capdrot.

Une première question se pose : quelles raisons ont pu dicter le choix de la transformation d'abbayes bénédictines en cathédrale ? Le choix de Jean XXII n'a porté:

  • ni sur des abbés exceptionnels : le sort réservé aux abbés de Castres, Sarlat et Saint-Flour en témoigne ;
  • ni sur des villes importantes : Alet est un second choix après « l'erreur « de Jean XXII à propos de Limoux ; une logique de centralité aurait consacré Castelnaudary aux dépens de Saint-Papoul ;
  • ni exclusivement sur des abbayes nullo medio qui relèveraient directement de l'autorité pontificale ;

on ne peut même pas soutenir que Jean XXII, en annexant quelques prieurés clunisiens, a voulu ruiner l'autorité de Cluny.

Dans l'état actuel des recherches, il semble que l'élément décisif dans ce choix des abbayes bénédictines découle du souci de disposer d'établissements déjà dotés ce qui permet d'amoindrir la richesse des diocèses anciens tout en leur conservant des revenus suffisants ;

1. L'installation des cathédrales bénédictines. L'uniformisation des statuts.

Castres et Saint-Flour sont les deux premières cathédrales bénédictines pourvues d'un évêque : respectivement Déodat de Séverac, un théologien, et Raymond de Mostuéjouls, un juriste. Ces deux personnages ont joué un rôle considérable dans l'installation des cathédrales bénédictines méridionales notamment en diffusant un modèle de statuts qui était probablement celui voulu par Jean XXII.

 

Eléments chronologiques :

Curieusement, Déodat de Sévérac et Raymond de Mostuéjouls à peine consacrés évêques se voient demander, le 6 juillet 1319, d'élaborer des statuts pour leurs Eglises, après avoir pris l'avis des prêtres de leur diocèse et des moines de leurs abbayes. Ces statuts son inconnus aujourd'hui mais on sait qu'ils ont été soumis à l'approbation pontificale. Il est possible sinon probable que ces statuts sont ceux que l'on retrouve sous une forme standardisée dans quelques unes des cathédrales bénédictines méridionales, peu de temps après leur érection. Les premiers promulgués semblent avoir été ceux de Raymond de Mostuéjouls à Saint-Papoul en janvier 1320.

Cette codification de statuts progresse d'une cathédrale méridionale à l'autre. En juin 1320 pour la Saint Clair, lors d'un chapitre général de la cathédrale de Tulle, Raymond de Mostuéjouls et Guillaume de Cardaillac, évêque de Montauban, sont appelés à seconder l'évêque et le chapitre pour la rédaction de statuts. La même procédure (commissions) qu'à Saint-Papoul y est adoptée et le résultat sensiblement le même. Les statuts de Tulle (publiés par Baluze) sont très proches de ceux de Saint-Papoul et de ceux de Vabres (5 juillet 1320) : seuls changent des points de détails (le nombre de moines et celui des individus envoyés aux études). A Montauban, des statuts sont adoptés en 1322, sous l'épiscopat de Cardaillac. Pour Saint-Pons, on ne dispose plus du texte, mais Urbain V fait allusion à des statuts « imposés » par Raymond de Mostuéjouls…

Pour les statuts de Condom - qui n'ont pas encore été vus par F.R. - il est possible que l'évêque de Galard ait adopté un autre modèle tant les relations de cette cathédrale avec les autres paraissent rares. Cela ne doit pas empêcher de mettre en avant le souci d'uniformisation des statuts et de mise en relation des différentes cathédrales bénédictines par Jean XXII, confiant pour ce faire un rôle éminent à quelques personnages que l'on voit circuler de cathédrale bénédictine en cathédrale bénédictine à des dates trop rapprochées pour que cela soit purement fortuit.

Contenu global de ces statuts

La comparaison des statuts fait ressortir quelques variantes d'ordre local mais contiennent quelques éléments récurrents :

  • Le prieur mage : un nouveau prieur mage est élu dix jours maximum après le décès de son prédécesseur. Insistance particulière sur les pouvoirs de correction qu'il peut exercer sur les moines sans avoir recours à l'évêque, du moins tant que les fautes relèvent de la discipline de la Règle. Dans les premières années de fonctionnement des cathédrales bénédictines, on assiste à une véritable réflexion sur le rôle du prieur-mage dont on trouve d'ailleurs des échos dans les décisions de la Rote. Il devient l'homme fort face à l'évêque, qui n'est pas toujours bénédictin. Il revendique la totalité des droits qui appartenaient à l'abbé.
  • Le chapitre général se tient, de droit, le lendemain de la fête du saint de la cathédrale pour la réforme de tout ce qui ne fonctionne pas. C'est le moment de la reddition des comptes.
  • Les autorisations d'absence sont données à ceux qui poursuivent des études ou qui détiennent des bénéfices dépendants du chapitre.
  • Le sous-prieur est nommé par un chapitre, auquel l'évêque a voix.
  • Fixation du nombre des moines. Il reste élevé par rapport à celui des effectifs des chapitres cathédraux séculiers du Midi comme le fait remarquer Y. ESQUIEU. Pascal Montaubin lie ce phénomène à l'absence de prébendes dans ces chapitres bénédictins mais ce ne peut être qu'un commencement d'explication car les chapitres méridionaux même séculiers n'ont pas toujours des prébendes distinctes.
  • Profession monastique, serment d'obéissance entre les mains de l'évêque.
  • Liens avec les prieurés.
  • Séparation des menses : la division des menses a entraîné des luttes entre les évêques et les moines emmenés par les prieurs, Dès 1327, et pour 16 ans encore, Saint-Pons connaît des problèmes à ce propos sans qu'il soit possible, du fait de la disparition des sources, d'en connaître la raison. A Tulle, en revanche, la situation est remarquablement gérée.
  • Liens de confraternité.

 

2. Quelques points particulièrement importants pour Jean XXII.

A. Des élections épiscopales mixtes.

Jean XXII a souhaité que l'élection épiscopale, dans certains diocèses bénédictins, soit menée conjointement par le chapitre cathédral bénédictin et le chapitre collégial. Ainsi participent à l'élection, à Montauban, le chapitre de la collégiale Saint-Etienne du Tescou, à Saint-Papoul, le chapitre de Castelnaudary, à Alet, celui de Saint-Paul du Fenouillet, à Castres celui de Saint-Pierre de Burlats, à Sarlat, celui de Capdrot. Pour F. R. il ne s'agit pas de défiance envers les bénédictins. Pourquoi élargir le corps électoral ? Pour que le corps électoral soit représentatif de l'ensemble du clergé. Ce système ne prévaut pas partout : A Condom, seuls les moines de la cathédrale participent à l'élection, sans participation des chanoines de La Romieu, par exemple.

Jean XXII rappelle en 1328 le processus d'une élection mixte (chapitre cathédral et chapitre collégial), au bénéfice du chapitre de la collégiale de Castelnaudary. Il maintient ce système alors qu'il nomme lui-même les évêques ! En 1335, ce système fonctionne pour l'élection de Guillaume de Sendreux à Sarlat. Il est supprimé par Clément VI (bulle dans Doat) ce qui n'empêche pas les revendications de la collégiale du Tescou en 1360 et de Castelnaudary au XVe siècle encore (la querelle donne lieu à une argumentation très solide dont rend compte le registre de secrétariat de Pierre Soybert).

B . Insistance sur les études des moines noirs.

Alors que l'abbé de Moissac (à la fin du XIIIe sicle) veut bien envoyer des moines aux études, mais non les financer, Jean XXII et ses fidèles exécuteurs décident, par leurs statuts, qu'un moine sur dix pourra s'absenter pour des études en droit canon ou en théologie tout en percevant, en deux termes, l'équivalent de sa prébende monacale. Ce système est bien plus favorable que celui entériné qui figurera dans la Benedictina ,. Ce point important des statuts des nouvelles cathédrales s'appuie sur la constitution apostolique Ne in agro dominico attribuée au concile de Vienne sans qu'il soit possible de savoir si ce texte a bien été élaboré par le concile ou rajouté par Jean XXII au moment de la promulgation des actes du concile. Quoi qu'il en soit, Jacques Duèse, au moment du concile, siégeait dans la commission chargée de la réforme de l'Eglise. Pour F. R. ces dispositions doivent conduire à minorer l'importance de la Benedictina comme instrument de réforme des OSB par Benoît XII : celui-ci s'est inspiré d'acquis anciens ou plus récents et s'est fait assister de cardinaux bénédictins qu'il signale de manière très allusive. Parmi eux figurait le cardinal Raymond de Mostuéjouls !

Les désirs du pape ont-ils été suivis d'effets ? Peut-on retrouver 10 % de moines aux études par une prosopographie ? Les statistiques n'ont pas encore été complètement réalisées. Dans les rôles de l'Université de Toulouse en 1378, on compte cependant 44 bénédictins parmi 562 canonistes.

C. Liens entre les cathédrales.

Le système de confraternité évoqué en fin de statuts a certainement fonctionné. Il n'est pas seulement destiné à créer des communautés de prières pour les moines défunts mais est également pensé comme l'outil d'une éventuelle réforme en cas de relâchement de la discipline. Pour l'instant les décomptes de liens existant entre ces cathédrales ne sont pas suffisants pour parler de l'instauration d'un réseau de cathédrales bénédictines : sur 800 notices, 15 moines ont circulé d'une cathédrale à l'autre ; six cathédrales bénédictines gravitent dans leur recrutement autour de Saint-Guilhem. Pascal Montaubin qui intervient sur ce point préfère la notion de relations à celle de réseaux, ce dont convient F. R. au regard du faible indice de connexité mis à jour. Vincent Tabbagh demande si les confraternités fonctionnent exclusivement entre les abbayes devenues cathédrales ou s'il existe des tentatives de confraternités avec des chapitres augustins et d'autres abbayes bénédictines ? Pour F. R. les nouvelles confraternités ne se substituent pas aux anciennes ; elles viendraient plutôt se surajouter.

Dans la suite de ses recherches, F.R voudrait montrer que cette création de cathédrales OSB s'inscrit dans une volonté de réforme des bénédictins annoncée par le concile de Vienne et poursuivie par Jean XXII et ses successeurs. Elle pourrait constituer - mais c'est une hypothèse - une réponse à Pierre Dubois qui veut séculariser les abbayes bénédictines. Pour Jean XXII, bien plus que pour Benoît XII, et de façon semblable à Urbain V, l'ordre bénédictin est une préoccupation majeure : cela ressort du décompte des lettres expédiées par la chancellerie (11 % des lettres sont consacrées aux bénédictins). Sous Jean XXII, un tiers du total des nominations d'évêques concerne des bénédictins. Jean XXII a lui-même rappelé la nécessité des conciles triennaux et du concile provincial.

A l'issue de l'exposé les questions ont été nombreuses, outre celles qui ont été évoquées dans le cours du compte-rendu, il convient de noter l'intervention de Daniel Le Blévec qui rappelle la fascination de Jean XXII pour les moines : il transforme des abbayes en cathédrale et fonde deux chartreuses. Il se demande quel rôle a pu jouer l'exemple appaméen. Pour F. R. il s'agit d'un contre modèle. Hélène Millet souhaite savoir comment les abbayes sont nommées dans les sources. F. R. : dans les épaves locales, il s'agit de chapitres de moines noirs, dans l'analyse des lettres pontificales, de moines ; dans les statuts, il s'agit de chapitres de moines, capitulum ecclesie .

 

Catherine Vincent : Préparation de la rencontre scientifique «Cathédrales et pèlerinages»

C. V. prend la parole en tant que responsable de l'axe « Sanctuaires et pèlerinage » (http://www.coldev.org/sanctuaires/index.php), en vue de la préparation d'une rencontre, en partenariat avec celui des Fasti, à programmer fin 2007 ou début 2008, sur le problème des relations entre cathédrales et pèlerinages.

On ne lit rien sur la relation entre cathédrales et pèlerinages, deux pôles majeurs de la pratique chrétienne. Pourtant de nombreux indices attestent un lien pérenne entre cathédrales et pèlerinages, et une évolution de ce lien. Un constat initial à préciser, qui devrait déboucher sur de plus vastes questionnements : celle de l'attitude de l'épiscopat et des corps canoniaux face à cette pratique et à la vénération des reliques. Celle de la relation des fidèles à l'identité diocésaine, et de l'articulation de cette dernière avec le « polycentrisme » de la pratique.

Quatre directions sont proposées à la réflexion :

  • 1. Quels sont les divers types de déplacements vers l'église-mère du diocèse ? Quel est ici le sens du mot pèlerinage ?
  • 2. Qui vient-on vénérer dans les cathédrales ?
  • 3. La cathédrale et son clergé face au/aux pèlerinage(s).
  • 4. Cathédrale et autres pèlerinages de la cité ou du diocèse : rivalité, complémentarité ?

Cette invitation appelle les commentaires de Benoît Jourdan sur l'espace rhénan, de Monique Maillard sur Cambrai, de Patrick Demouy sur les promenade de reliques, de Jacques Madignier sur Autun (culte de saint Lazare), de Pierre Desportes sur Amiens, d'Yves Esquieu sur les dispositions architecturales, de Denyse Riche sur le rôle des villes, de V. Tabbagh sur la propriété des reliques qui passe aux confréries.

NB : Un formulaire de réponse aux questions ci-dessus a déjà été envoyé. Merci à ceux qui l'ont rempli et retourné. Il n'est pas trop tard pour le faire, avec brièveté, car il s'agit d'un sondage destiné à évaluer globalement la situation : si vous ne savez rien sur la question, c'est aussi utile de le dire.

 

Jean Vincent Jourd'Heuil, Présentation de la notice institutionnelle de Langres

J-V. J. présente une notice très avancée sur le chapitre de Langres. Il dispose de sources tout à la fois nombreuses (délibérations capitulaires, comptes, cartulaires, obituaires, testaments et codicilles) et rares (tel le BM Langres ms. 54, partitions et matricule du chapitre depuis 1384).

Christophe Wissenberg a conçu une carte du diocèse et de ses subdivisions en archidiaconés (6) et doyennés (17). Ce diocèse compte 577 paroisses dont 156 à la collation de l'évêque et 62 à celle du chapitre, d'après le pouillé dit de 1373. La cité épiscopale compte trois paroisses, quatre prieurés forains et un couvent dominicain à partir de 1232. Dans le diocèse, on compte quatre collégiales séculières en 1200 et dix huit en 1500, parmi lesquelles la chapelle ducale de Dijon, fondée en 1172 par le duc de Bourgogne : Philippe le Bon porte en 1431 le nombre de prébendes de 21 à 24 et fonde 4 canonicats musicaux. Cette collégiale constitue la paroisse personnelle de la famille ducale et le siège de la Toison d'Or dès 1431. Elle reçoit une hostie miraculeuse d'Eugène IV en 1433 et devient Sainte-Chapelle.

La cathédrale actuelle est bâtie dans la première moitié du XII e s. L'évêché, baronnie subdivisée en treize prévôtés au XIII e siècle, est l'une des premières seigneuries ecclésiastique du royaume : elle reçoit alors l'hommage des comtes de Champagne et de Tonnerre, du duc de Bourgogne et de plus de 120 vassaux. L'évêque, pair de France, frappant monnaie du X e au XIV e s., et remettant le sceptre lors de la cérémonie du sacre royal, prend régulièrement le titre de duc de Langres (peut-être même dès le XIIIe siècle). Les revenus épiscopaux, taxés à 6000 lb, situent le siège de Langres au quatrième rang après les archevêques de Rouen, Auch et Narbonne. En 1203 Philippe Auguste autorise les chanoines à élire l'évêque sans sa licence et leur accorde le droit de régale. Le bailli de Sens est souvent sollicité pour régler les litiges entre les deux seigneurs de la cité : l'évêque et le chapitre. En 1317, le roi établit un capitaine dans la cité.

La première mention d'un official à la cour de Langres remonte à 1206. En 1387, Clément VII supprime sur la requête de l'évêque la juridiction de l'archidiacre de Langres contre une pension annuelle de 400 fl. Cet acte entérine la disparition de la dernière officialité concurrente de celle de l'évêque, les archidiacres semblant tous disposer d'une officialité dès le milieu du XIII e s. En 1415, les six archidiacres perçoivent un tiers des amendes perçues par l'official de Langres, sur les sujets de leur archidiaconé, ainsi que le tiers de la valeur du sceau des absolutions.

Les chanoines revendiquent une autorité sans partage sur l'église-mère du diocèse. Le chapitre, seigneur de trente cinq villages, du quartier cathédral emmuré et percé de dix portes, et du faubourg de Sous-Murs, est aussi co-seigneur de onze autres villages, décimateur exclusif de quatorze autres... Le chapitre entend échapper dès le XIII e siècle à la juridiction épiscopale. Ce n'est cependant qu'en 1371 que l'évêque Guillaume de Poitiers accorde le droit de haute et basse justice, civile et criminelle, par le chapitre sur ses membres lors de dies judiciales . L'année capitulaire s'ouvre par le chapitre général du 1er mai, auquel s'ajoutent les chapitres généraux de la Madeleine (22 juillet) et de la Saint Mammès (17 août). D'après le statut de 1257, le chapitre compte cinquante et une prébendes, deux attribuées au doyen, deux autres aux "prébendiers" (prêtres chargés d'assister les chanoines dans l'office divin, leur nombre passe de 6 à 8 au XIVe s.), et quarante sept, chacune attribuée à un chanoine. On tient d'une plainte au Parlement de Paris, en 1415, la valeur d'une prébende à 200 l. t. (distributions comprises). En 1440 le concile de Bâle accorde au chapitre la possibilité d'attribuer une prébende sacerdotale aux enfants de choeur et une seconde à la mense des prébendiers. Le nombre des chanoines passe ainsi de quarante huit à quarante six avec une partition maintenue à cinquante et une prébendes. En 1257, huit prébendes sont sacerdotales, douze diaconales, douze sous-diaconales, et quinze sans contrainte d'ordre. A compter de 1274 les chanoines titulaires d'une prébende sacerdotale seront privés de la totalité de leur prébende s'ils résident moins de six mois, et devront résigner tout bénéfice exigeant une autre résidence. En 1438, la clause de la résidence de six mois est supprimée, mais s'ajoute l'obligation d'assister quotidiennement aux matines, à la messe et aux vêpres sous peine de perdre les distributions attachées à ces heures. Les cures et les bénéfices à la collation du chapitre sont tantôt conférés individuellement par les chanoines, à tour de rôle, tantôt conférés par le chapitre entier.

Le chapitre cathédral compte neuf dignitaires. Le doyen, cité depuis 903, a double distribution et double prébende. Il est taxé à 70 lb. Une bulle de 1263 confirme le droit d'élection du doyen par le chapitre et interdit la collation apostolique. Il nomme les prébendiers du chapitre. Le trésorier, apparu au XI e siècle, seigneur de deux villages du Langrois, est taxé à 240 lb. Les six archidiacres, selon la hiérarchie connue dès 1241 : archidiacre du Langrois ou grand archidiacre, archidiacres du Dijonnais, du Tonnerrois, du Lassois, du Barrois et du Bassigny, sont taxés de 80 à 15 lb. Le chantre dirige les chants aux offices et détient la nomination des maîtres des écoles publiques du diocèse. Les chanoines exercent quatre types d'offices. Le chambrier, chanoine élu par ses pairs pour un an reconductible, est à la tête de la chambre capitulaire. Il est chargé des comptes capitulaires, règle les contentieux financiers du chapitre, tient le rôle de juge ordinaire des chapelains, prêtres habitués, choriaux et officiers de l'Eglise de Langres. Les obédienciers sont quatre chanoines chargés de l'administration temporelle des biens capitulaires dans quatre circonscriptions proches de Langres. Ils ont des fonctions d'administration et de justice. L'office de sacristain consiste à veiller aux vases sacrés, missels et livres liturgiques. La création de l'office de théologal, voulue par la 31 eme session du concile de Bâle (1438), apparaît à Langres en 1443 : il assure des leçons de théologie une à deux fois par semaine et doit prêcher à la cathédrale surtout pendant l'Avent et le Carême. Trois autres officiers sont parfois choisis parmi les chanoines : le cellérier, le chancelier, le psallette (1486). Le chapitre semble jouir de fait de la collation aux prébendes (hors collation apostolique). Les conditions d'admission, connues par les serments prêtés par les chanoines lors de leur réception, paraissent évoluer dans un sens restrictif, de 1398 à 1433.

Les autres desservants de la cathédrale sont les prébendiers et les chapelains. Les prébendiers, de six à huit, sont adjoints aux chanoines prêtres pour les seconder dans le service divin. Ils jouissent des fruits de deux, puis trois prébendes, sont nommés par le doyen et possèdent une stalle au choeur. Les chapelains sont près d'une centaine au milieu du XV e siècle, attachés au service de trente-sept chapelles de la cathédrale.

 

27 et 28 janvier 2006 : Jean-Baptiste Lebigue, Stage sur les manuscrits liturgiques

L'assistance, conduite à vive mais attentive allure par Jean-Baptiste Lebigue , a alors entamé un passionnant voyage dans l'étrange univers du livre liturgique ! L'après-midi a été consacré à l'étude des propriétés particulières de chacun des livres liturgiques de la messe : sacramentaire, évangéliaire, épistolier, graduel et missel. Chacun des quatre premiers livres reprend les pièces liturgiques propres à chaque type des acteurs de la messe (respectivement le célébrant, le diacre, le sous-diacre, le chantre) tandis que le missel contient l'ensemble de ces pièces. Une mise au point sur temporal et sanctoral a précédé une présentation sur la préséance entre les offices. Le tout agrémenté d'exercices pratiques !

Le lendemain 28 janvier, le stage se poursuit dans les murs de l'Ecole des Chartes, autour de l'office des heures, une pratique liturgique imposée à tous les membres du clergé, dont le fondement est la récitation hebdomadaire des cent cinquante psaumes, répartis entre les différents jours de la semaine, et entre différents moments de chaque journée. Nous sommes passés du rappel des principales pièces de l'office à l'étude des manuscrits qui les rassemblent : psautiers, antiphonaires, hymnaires, livres de lectures (lectionnaires, homiliaires, passionnaires), collectaires et bréviaires.

Enfin, Jean-Baptiste Lebigue nous a donné des clefs pour l'identification d'autres manuscrits liturgiques, qui ne peuvent être classés parmi les livres de la messe ou de l'office : des livres relatifs à l'organisation générale du culte : l'ordinaire, le coutumier et les livres d'usages, le cérémoniaire, les nécrologes et obituaires. Des manuscrits dédiés à des aspects particuliers de la liturgie : le martyrologe, les processionaux, les livres de cérémonie et ordines rituales . Enfin des livres réservés à des acteurs particuliers de la liturgie : le livre de l'hebdomadier, et surtout le pontifical.

Cette exploration méthodique et didactique dans la complexité (évolutions des usages et des types de manuscrits, structure et particularismes) d'un univers lié à la pratique spirituelle a eu un très grand succès auprès de ses auditeurs. Elle restera un moment clef dans la formation continue des membres des Fasti, éléments chevronnés et débutants, qui pourront, lorsque l'occasion le requerra, se reporter aux fascicules récapitulatifs préparés par Jean-Baptiste Lebigue , et aux tout aussi précieux fascicules d'exercices corrigés (analyse de cinquante deux documents conservés dans les BM de France). Ces fascicules devraient prochainement être consultables sur le site de l'IRHT.

 

24 février 2006 : Les Fasti Ecclesiae Portugaliae en salle Perroy : présentation du SIEP

Cette journée des Fasti a trouvé un prolongement dans la matinée du 23 février, avec l'invitation en salle Perroy par Hélène Millet d'Ana Maria Rodrigues , Pedro Henriques et Sandra Cristina Lopes venus présenter une réalisation de l'équipe des Fasti Ecclesiae Portugaliae , le Système d'Information pour l'Etude Prosopographique (SIEP).

Hélène Millet commence par présenter l'équipe et les dimensions du projet : l'Eglise portugaise dont on commence à parler à partir de 1071 comporte neuf diocèses. Le projet mis en place en 2002 pouvait donc se permettre des exigences autrement plus fines que celles des Fasti Ecclesiae Gallicanae . Les travaux prosopographiques des Fasti portugais intéressent la période 1071 - 1500 : ils ont été projetés en deux phases, autour d'un terminus ad quem programmé pour fin 2006, autour de la fin du règne de Denis I er de Portugal (+ 1325), terminus a quo pour la prochaine campagne de recherches. Les fonds documentaires locaux sont infiniment plus riches que ceux conservés en France. A Braga les fonds sont prodigieux, mais il n'y a pas d'équivalent de nos inventaires sommaires pour ces archives. Ainsi, derrière l'homonymie des deux équipes de Fasti , la philosophie des projets diffère sensiblement.

Le Système d'Information pour l'Etude Prosopographique se décline en

Le SIEP est une application en HTML dynamique (Php + MySQL). Les boursiers qui vont recueillir les données en archives disposent sur leur portable du module SAL. Au terme de chaque campagne de dépouillement, ils transfèrent, sous forme de fichier texte via une connexion internet, les données recueillies au Système Central qui les ingère. Pour chaque diocèse, un responsable s'occupe alors de normaliser les informations et de recouper toutes les fiches concernant un même individu. Plus d'informations peuvent être trouvées à l'adresse suivante : http://www.fasti.ucp.pt/

Les chefs de projet nous ont fait découvrir le fonctionnement de cette base, la composition des fiches individuelles : ordres sacrés, dispenses, expectatives, concessions de bénéfices, collations de bénéfices (investiture), fonctions, formation universitaire, ouvrages, parentèles, dépendants, offices, biens, dernières volontés.

La discussion s'est ensuite poursuivie par un échange fructueux autour notamment du travail de Stéphane Raux, développeur de la base cumulative des Fasti et de l'opération Charles VI .

  • quatre processus : cueillette des données, normalisation, analyse, divulgation ;
  • deux composantes :
    • SAL : Système d'Aquisition Local ;
    • SC : Système Central de traitement et d'extraction des connaissances ;
  • deux bases de données :
    • BDD, Base de Données des Documents, comportant pour chaque document (un manuscrit, une sentence, un testament, une nomination à un canonicat etc.) une brève analyse ;
    • une Base de Données Prosopographique contenant la liste des membres du clergé cathédral et une table de liaison faisant le lien avec chaque document intéressant chacun de ces individus.

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Compte rendu de la réunion de l'équipe des Fasti du 03 juillet 1998

Informations générales :

Comme prévu, le volume sur Reims, troisième de la collection, est sorti des presses. Il est disponible en librairie au prix de 660 francs. Les deux prochains volumes concerneront les diocèses de Besançon et de Sées.

Hélène Millet a fait un bref exposé de tous les ennuis (souvent d’ordre informatique !) qui peuvent survenir entre le moment où le responsable d’un diocèse remet la disquette contenant sa base de données et celui où le volume est finalement prêt à être édité, et qui expliquent le délai (parfois assez long) qui sépare ces deux étapes.

Les chanoines et la musique par Etienne Anheim

A la fin du Moyen Age, la musique est omniprésente dans la vie quotidienne, particulièrement dans celle des chanoines, avec la célébration des offices liturgiques. C’est à cette époque que se produit une révolution en matière musicale avec le passage de la monodie à la polyphonie et l’invention d’une notation précise de cette musique savante. On passe en effet vers la fin du XIIIème siècle (en particulier à l’Ecole Notre-Dame) du chant grégorien monodique - dans lequel les chanteurs suivent tous la même ligne musicale - à des formes complexes où une puis plusieurs voix ajoutent des variations à la mélodie principale, au point que l’on ne comprend plus du tout les paroles.

Une bulle de Jean XXII de 1324-1325 traduit la réaction défavorable d’une partie du clergé face à ce nouveau type de musique. Elle est en fait l’aboutissement d’une longue réflexion, hostile à une musique qui ne serait plus au service du texte sacré mais qui existerait pour elle-même. Cependant, les milieux canoniaux entre Seine et Rhin puis la cour pontificale elle-même sous Clément VI, se trouvent être le lieu de l’élaboration de cette musique, appelée ars nova.

C’est ainsi que l’on peut suivre les carrières de chanoines chapelains dans les chapelles pontificale (qui existe depuis Benoît XII) et cardinalices à Avignon. Leurs carrières bénéficiales sont celles de chanoines du Nord de la France et leurs réseaux de relations sont les mêmes que ceux de leurs collègues, moins doués pour la musique. Ils bénéficient souvent d’appuis dans les chapitres du Nord de la France grâce à leur famille ou à leurs compatriotes et font venir à leur tour des chantres, formés dans ces chapitres, dans les chapelles d’Avignon. C’est ainsi que la pratique de cette nouvelle musique se diffuse dans la France du XIVème siècle et au-delà.

Notice institutionnelle du diocèse de Macon, par Denyse Riche

Malgré un gros déficit en sources pour ce diocèse, nous avons pu lire une notice déjà très amplement informée. Il faut remarquer d’abord la forme particulière de ce diocèse, probablement démembré sur celui d’Autun. C’est un diocèse marqué par l’importance du clergé régulier puisque la ville ne compte pas moins de cinq abbayes. Ceci est aussi manifeste dans la faible proportion de bénéfices du diocèse dont la collation revient à l’évêque. La ville comprend six paroisses qui relèvent toutes de la cathédrale mais la présence du clergé canonial est assez réduit : on compte les chanoines réguliers de Saint-Pierre de Mâcon et les chanoines séculiers de Notre-Dame de Beaujeu qui ont la caractéristique, comme la chapitre cathédral, de ne pas offrir de prébendes distinctes. On parle plutôt de portions canoniales. Lorsqu’un chanoine décéde ou s’en va, sa portion est partagée entre tous.

Un usage funéraire des bulles pontificales par François Comte

Ces dernières années, des bulles pontificales ont été retrouvées dans une bonne dizaine de tombes, attachées à plusieurs endroits du corps du défunt. Ces trouvailles sont éparpillées géographiquement mais elles concernent surtout la France et la Suisse, dans des chefs-lieux de diocèse et aussi bien dans des cathédrales que des abbayes. Ces bulles sont datées de la deuxième moitié du XIVème siècle et de la première moitié du XVème siècle.

Le problème est de connaître la raison d’être de cette pratique funéraire. Un tiers des bulles faisaient référence à des papes contestés pendant l’époque du Grand Schisme. Peut-être peut-on y voir une volonté de légitimation même post mortem d’autant que les papes des différents clans s’excommuniaient mutuellement.

Ce rite funéraire a en tout cas été pratiqué en France un peu partout car on peut trouver la mention dans un registre capitulaire, comme à Angers en 1487, de l’ouverture d’une tombe afin d’aller y chercher des documents.

Ateliers thématiques

Cette réunion a vu renaître le système des ateliers de travail, un peu délaissé lors des dernières réunions au profit des divers exposés préparés par les collaborateurs de l'équipe. Ces ateliers thématiques étaient cette fois au nombre de 4, et ont permis d'aborder des problèmes plus spécifiques, qui peuvent ne concerner qu'une partie seulement des collaborateurs des Fasti.

Les chapitres réguliers :

Plusieurs problèmes se posent lorsque l’on étudie ces chapitres particuliers. Comment définir un chanoine, tout d’abord. Comme la définition générale du chanoine ne s’applique pas à un chanoine régulier, il semble qu’il faille retenir - d’après l’exemple d’Avignon - la réception du chanoine pour le considérer comme tel. A Toulouse, la réception a lieu en chapitre général. Mais le collateur ou la forme de collation ne sont pas toujours mentionnés, pas plus que la stalle ou les revenus.

Il faut aussi faire attention à l’éternel problème des expectatives, qui ne prouvent pas que l’individu a été effectivement chanoine. Les provisions de canonicats réguliers se trouvent dans deux catégories de registres pontificaux : De regularibus et De monachiis et monialibus recipiendis. Mais y-a-t-il des cumuls dans les cathédrales qui suivent l’ordre de Saint-Augustin ?

D’autres problèmes concernent la profession religieuse (existe-t-il partout des cédules ?) ou les statuts de ces chapitres. Saint-Sernin de Toulouse en offre de beaux exemples, mais il semble qu’ils soient fragmentaires ailleurs. Les bâtiments des chapitres réguliers posent enfin différents problèmes, puisqu’on doit pouvoir y distinguer un dortoir, un réfectoire et éventuellement une maison pour les dignitaires.

La rédaction des notices d’évêques :

Un schéma de notice a été élaboré par M. Hours pour le diocèse de Besançon, d’après ce qui a été fait auparavant pour les diocèses de Rouen et de Reims. M. Desportes nous a fait part, quant à lui, de l’intérêt d’un travail collectif à ce sujet afin de confronter les points de vue.

On doit donc y trouver dans ces notices (en 5-6 pages maximum) :

  • un état civil de l’individu, i.e. les origines familiales et les études : quelle(s) université(s), quel(s) grade(s) ?
  • la carrière avant l’accession à l’épiscopat : bénéfices, carrière éventuelle à la Curie et dans la vie politique. M. Desportes souligne ici la difficulté qu’il y a quelquefois à connaître les premiers bénéfices des évêques, qui sont pourtant très instructifs sur leur origine, leurs premiers protecteurs, etc...Si ces éléments ont déjà été établis dans des volumes précédents, énumérer seulement les bénéfices avec ajouts et corrections éventuels.
  • les faits marquants de l’administration du diocèse pendant l’épiscopat de l’individu : il est clair qu’il s’agit de parler de l’individu en temps qu’évêque de X, pour éviter de répéter ce qu’a dit ou dira quelqu’un d’autre au sujet du même individu, évêque d’Y. Le même numéro est donné à l’individu d’un volume à l’autre, ex : AM 207 (Amiens, individu n°203) et RO 493 (Rouen, individu n°493).
  • la participation à la vie de l’Eglise universelle.
  • les faits marquants de la vie du diocèse dont le lien avec l’administration de l’évêque n’a pas été démontré : fondations monastiques ou déplacements d’établissements par exemple.
  • la carrière ultérieure : rappeler les bénéfices suivants.
  • la notice héraldique et sigillographique : dans ce domaine, M. Bouyé et M. Bony sont d’un grand secours. Cette étude peut s’avérer très utile pour des problèmes de généalogie par exemple. Chaque siège a son sceau au revers duquel peut se trouver l’indication des armes personnelles de l’évêque.

NE PAS OUBLIER, à la recommandation de M. Tabbagh, de signaler le lieu de sépulture, d’éventuelles représentations sur des vitraux, des monnaies, une pierre tombale et si l’évêque a été commanditaire d’oeuvres d’art dont des livres.

La saisie des informations

(compte rendu en attente...)

Les collégiales :

L’étude des collégiales est d’emblée plus complexe que celles des cathédrales, étant donné l’extraordinaire variété des établissements que recouvre ce nom générique. On peut s’accorder sur cette définition générale (afin de faire la distinction nette d’avec une chapellenie collective) ; une collégiale est un corps d’au moins deux chanoines séculiers mais pouvant vivre communément, jouissant d’une autonomie manifestée par un temporel et un sceau.

D’après l’étude des collégiales de Bourgogne, M. Tabbagh propose une typologie des collégiales suivant leur origine :

  • collégiales nées de la transformation de monastères d’époque mérovingienne ou carolingienne aux IX, X et XIèmes siècles.
  • collégiales nées de corps sacerdotaux réunis en un lieu important (vicus, castrum) et qui se dotent d’une règle commune vers le XIème siècle, encouragés par la réforme grégorienne.
  • collégiales fondées autour de châteaux au sein du deuxième réseau urbain (XI-XIIèmes siècles) par l’autorité seigneuriale pour diverses raisons.
  • collégiales fondées de manière privée par le pape, un prince de l’Eglise, une famille pour le service funéraire.

Les sources qui nous renseignent sur les collégiales sont les mêmes que celles des cathédrales, à savoir les sources locales et les sources pontificales. Dans les sources locales, on peut avoir grand intérêt à dépouiller les sources communales car une collégiale est souvent plus intégrée au tissu urbain que ne l’est une cathédrale. De même pour les sources des fabriques (quand elles existent), les sources des officialités, celles contenues dans les archives diocésaines (celles de Nice sont très belles), les visites pastorales, les fonds seigneuriaux (notamment pour les grosses collégiales du Nord) et les sources notariales pour le Midi surtout.

Prosopographiquement, les chanoines de collégiales sont souvent des clercs bénéficiés dans leurs propres diocèses mais aussi hors de leurs diocèses d’origine. Les collégiales offrent de ce point de vue les mêmes profils que les cathédrales. Il est sûr néanmoins que les chanoines de collégiales sont plus insérés dans les groupes familiaux locaux, qu’ils peuvent être au service des grands seigneurs (il faudrait par exemple étudier la proportion de serviteurs des comtes de Flandre dans les collégiales du Nord au XIIIème siècle).

Le mode de collation des prébendes de collégiales est très varié lui aussi, ce peut être la cooptation comme à Beaune, le droit de patronage de l’évêque du diocèse mais aussi celui de la famille du fondateur. La lecture des obituaires peut renseigner sur l’identité de ces fondateurs.

Quant aux rapports des collégiales urbaines avec la cathédrale, il semble qu’ils soient souvent conflictuels même (ou surtout ?) lorsque les mêmes chanoines cumulent leurs prébendes dans les deux églises. Les rapports avec les paroisses qui existent souvent au sein même des collégiales peuvent être très rapprochés et c’est aussi une des raisons qui rend leur étude complexe mais fort riche.

Ce compte rendu a été rédigé par Christine Barralis et Anne Hubert.

Pour commander le volume.

Contenu du volume :

  • 392 pages.
  • 695 notices prosopographiques.
  • 16 biographies d'évêques.

Ce volume, consacré au diocèse d'Angers, contient en outre une carte du diocèse, une étude sur le trésor (livres et reliques) de la cathédrale, une présentation de la cathédrale comportant des études détaillées sur les autels, le cycle peint de l'abside (entièrement reproduit sous forme de relevés), les vitraux commandités ou rénovés par les évêques ou le chapitre. Le livre contient également une étude du quartier canonial Saint-Maurice accompagnée d'un plan pour le début du XVe siècle.

  • Note liminaire, par Hélène Millet, directeur du programme
  • Extrait du volume : "La cité, quartier canonial Saint-Maurice", pages 97-100.
 

Diocèse d'Angers : note liminaire, par Hélène Millet

Voici que paraît enfin un livre dont la sortie était déjà annoncée en 1999. Que celui qui n’a jamais connu de retard dans ses entreprises lance le premier quolibet ! Pour ma part, je tiens au contraire à saluer la constance des deux auteurs, à remercier Jean-Michel Matz, le plus rapide des deux, pour sa patience et son sens du bien commun, et à savourer avec François Comte la satisfaction d’avoir surmonté les obstacles et le découragement.

Commencée en un temps où les logiciels coûtaient cher et où les chercheurs n’avaient pas encore un ordinateur portable en guise de porte-plume, la base de données destinée à dresser les fastes du diocèse d’Angers a été réalisée avec les moyens du bord (le logiciel 4Dfirst, version simplifiée de 4D) et par des débutants en informatique. Quelques bons génies sont venus à leur aide, mais ils n’ont pu empêcher que surviennent à chaque pas ou presque des problèmes inattendus, encore multipliés, sur la fin de l’entreprise, par les transferts des données à Orléans, en vue de leur édition.

Dans nos procédures de travail, les communications avec la base centrale orléanaise sont en effet fondamentales. Les notices offertes aux lecteurs ne ressemblent que de très loin à ce que le chercheur peut lire sur son écran ou éditer par ses propres moyens. Cela est dû notamment au fait que les individus ont très souvent plusieurs raisons distinctes d’être enregistrés dans la base. Ainsi, un official devenu chanoine donne lieu à deux enregistrements. Sa notice biographique résulte donc de l’addition des renseignements contenus dans ces deux enregistrements. La procédure automatique au terme de laquelle on obtient une telle notice développe également les multiples abréviations qui doivent obligatoirement être utilisées. Celles-ci, jadis nécessaires pour économiser les octets, conservent toute leur utilité pour assurer une certaine homogénéité à la manière de présenter les informations.

À Orléans, Irmine Martin et moi-même devons donc assurer ce service que représente le tirage, à la demande, d’éditions provisoires du contenu des bases de données en cours d’élaboration. La dispersion des collaborateurs et la pauvreté de nos moyens financiers m’avaient fait prendre le parti d’accepter que soient utilisés tant les ordinateurs Mac que PC, avec des logiciels différents pour chaque gamme de matériel. Mais nous peinons parfois à résoudre les problèmes d’incompatibilité. Lorsque, pour un diocèse, la recherche est terminée, nous effectuons aussi le travail éditorial final, non seulement pour les notices prosopographiques issues de la base de données, mais aussi pour tous les éléments — indices, tables, chapitres préliminaires — qui composent un volume. Sans le soutien logistique de l’IRHT et les conseils éclairés de sa collègue Christine Melin, Irmine Martin n’aurait pu acquérir les compétences qui sont désormais les siennes et grâce auxquelles nous pouvons remettre à notre éditeur des livres « prêts à flasher ».

Cette façon artisanale de procéder explique, sans les excuser, les trop nombreuses imperfections qui émaillent nos ouvrages, mais elle nous permet d’intervenir jusqu’au dernier moment pour éliminer les menues incohérences d’un édifice complexe où toute modification entraîne des corrections en chaîne à effectuer. Les collaborateurs des Fasti Ecclesiae Gallicanae ne sont pas des auteurs libres de faire ce que bon leur semble ; la rude discipline à laquelle ils acceptent de se soumettre ne sera pleinement justifiée que lorsque paraîtra le CDRom cumulatif par lequel une collection de fascicules deviendra œuvre collective unique.

Ce moment, nous osons l’espérer, ne devrait pas être trop éloigné, car la refonte si nécessaire et attendue de notre chaîne de traitements informatiques est en cours. Pour ce faire, il fallait à la fois trouver un financement et un technicien rompu aux anciennes techniques de programmation. Ce petit miracle a pu s’opérer grâce à une contribution du LAMOP, laboratoire auquel je suis personnellement rattachée, et à la compréhensive participation de notre éditeur. Jean-Philippe Genet, directeur du LAMOP, et Christophe Lebbe, directeur éditorial de Brepols Publishers, ont ainsi droit à toute notre reconnaissance.

La parution du Diocèse d’Angers devrait donc clore une époque. Elle coïncide aussi avec l’ouverture du site Internet rénové par les soins de Jean-Nicolas Rondeau.

Est-ce dû à sa lente maturation ? Le Diocèse d’Angers est certainement celui des volumes de la collection qui comporte le plus grand nombre de chapitres introductifs, celui aussi qui fait la part la plus importante au service liturgique assuré par les chanoines à la cathédrale. Ces excursions préliminaires, certainement trop rapides au goût des spécialistes, veulent tirer parti de sources ou de vestiges ici plus considérables ou mieux étudiés qu’ailleurs. Parfois, malgré tout l’intérêt d’une découverte, il faut se contenter d’en signaler l’existence pour ne pas se laisser distraire du projet prosopographique primitif. Et, quel que soit l’intérêt intrinsèque du sujet abordé, il est toujours demandé aux collaborateurs de mettre l’accent sur l’apport singulier des individus à la tradition ou au patrimoine communs.

Angers a bénéficié d’une conjoncture exceptionnellement favorable. Pour exploiter ses richesses patrimoniales et archivistiques, plusieurs chercheurs ayant chacun les compétences voulues ont convergé sur le même terrain et au même moment. Les observations complémentaires ainsi réalisées sur la cathédrale, ses vitraux, ses fresques et son trésor permettent de mieux déchiffrer les correspondances symboliques qu’entretenaient les reliques avec les lieux et les temps liturgiques. Elles nous enseignent aussi que, quoique séparés de biens, évêque et chanoines unis dans la célébration de l’office divin et dans la fidélité aux rites inaugurés par leurs antiques et saints prédécesseurs. Ils étaient ensemble dépositaires du patrimoine historique et culturel de la cité, ensemble aussi chargés de le faire fructifier. A mieux éclairer les aspects collectifs de la mission assignée au clergé de la cathédrale, on affine aussi considérablement la compréhension des parcours individuels.

Il est en revanche une originalité de l’évêché que les chapitres préliminaires n’ont guère éclairée : sans pourtant être métropole, Angers pouvait alors se dire capitale. Plusieurs colloques ou manifestations récents ont porté sur les destinées internationales de la maison d’Anjou, et on lit dans les notices individuelles que la carrière de beaucoup de chanoines est passée par la cour ducale et/ou par l’université. Mais sur le personnel de ces institutions, il reste encore beaucoup à apprendre. La recherche en la matière devrait se trouver stimulée par la publication de ce volume.

Orléans, le 27 mai 2003, Hélène Millet, directeur du programme.

 

Extrait du volume concernant le diocèse d'Angers

La Cité, quartier canonial Saint-Maurice d'Angers (pages 97-100)

V. L’implantation des maisons canoniales dans le plan reconstitué du XVe siècle

On a vu que, depuis la fin du IXe siècle, des emplacements pour construire des maisons avaient été accordés au chapitre. Dès 1073, des maisons sont attribuées à un dignitaire. Mais seuls les trois archidiacres avaient une maison attachée à leur dignité. Même le doyen était soumis au régime de l’option jusqu’à ce qu’il reçoive au milieu du XVIe siècle la maison canoniale Sainte-Catherine proche de la porte de la Chartre, construite par Raoul de La Flèche (16) puis par le doyen Jean Dumas en 1541 (1-3 rue Saint-Évroult). Faute de maison affectée aux prébendes, dès qu’une se libère par le décès ou la démis­sion d’un chanoine, les autres peuvent opter pour sa maison en fonction de leur rang ou ancienneté contre un loyer qui n’est pas le même selon les maisons. Avant 1240, trois maisons canoniales, dont celle du maître-école, avaient été annexées par le couvent des Jacobins suite à l’intervention de l’évêque Guillaume de Beaumont (2). D’autres maisons avaient peut-être été détruites lors de la construction du château et des fossés. Il fallut donc procé­der à de nouvelles acquisitions ou susciter des dons. Ainsi Durand, évêque de Nantes, qui décéda à Angers en 1291, donna une maison près du château qui devint la maison canoniale de la Fosse. Ces maisons canoniales s’organisent principalement le long des rues qui bordent l’enceinte et les îlots qui enca­drent la cathédrale. Alors que l’évêque Rainon avait autorisé les chanoines à léguer les maisons à leurs parents, désormais toutes les maisons appartien­nent au chapitre, les chanoines n’en ont que l’usufruit et étaient obligés d’effectuer les réparations nécessaires. Cependant, en cas de reconstruction aux frais du chanoine, on lui en laissait l’usage sa vie durant tel Jean Guittier (416), archidiacre d’Outre-Maine, qui fit reconstruire la maison canoniale Saint-Barthélemy ou du Chapeau Rouge, rue Saint-Évroult. Sa maison de dignitaire près de la cathédrale est donc abandonnée et ne sert que pour l’exercice de sa juridiction d’archidiacre.

Vingt-et-une des vingt-huit maisons canoniales au début du XVe siècle sont situées près de la cathédrale dans un rayon de moins de 80 mètres. Les douze maisons d’officiers du bas-chœur et les quarante-trois maisons de chapelains sont plutôt concentrées au sud de la Cité à l’exception notable d’un îlot en arrière de la place de terre ou « placître » appartenant au fief de l’évêque. De même les deux tiers des maisons canoniales se situent dans la paroisse de Saint-Maurice, alors que les maisons de chapelains sont en majo­rité sur le territoire de la petite paroisse Saint-Aignan. Ce sont les chanoines, souvent à l’origine des fondations de chapellenies, qui installent les chapelains dans la Cité, comme par exemple Simon Bordier (505) qui donne en 1469 une maison nouvellement bâtie pour le chapelain de Notre-Dame des Mazeris, près de la porte Hugon. Ces demeures ont presque toutes un nom qui est connu au XVe siècle. La plupart portent le nom d’un saint et pour un tiers d’entre elles, il s’agit du nom d’une prébende. D’autres ont le nom de la paroisse principale dont le desservant est à la nomination d’un chanoine (ex. maison Sainte-Croix). Certaines chapellenies ont aussi pu donner leur nom à la maison canoniale de par leur proximité (Saint-Julien face à la maison de la chapelle portant cette dédicace) ou parce que la nomination du chapelain leur appartenait ou encore parce qu’elles avaient annexé une maison de chapelain (Saint-André). Quelques maisons portent le nom d’une caractéristique archi­tecturale (comme la Tourelle) ou d’une fonction (La Fonte, pour les cloches). D’autres rappellent un illustre prédécesseur (Pierre Abélard) ou peut-être un cardinal (Le Chapeau Rouge).

Louis de Farcy, habitant de la Cité (3 rue du Parvis Saint-Maurice), fut le premier à dresser un plan du quartier. L’étude des maisons canoniales devait former un important chapitre du dernier tome de sa Monographie de la cathédrale d’Angers. Mais ce plan, publié tel quel par l’abbé Houdebine, n’est qu’un brouillon truffé d’erreurs, parfois contradictoire avec le texte et comportant de nombreux blancs dans certains ilôts. C’est par l’étude régressi­ve, indispensable pour cette recherche, que nous avons pu localiser précisé­ment toutes les maisons de la Cité. Deux documents ont servi de fil direc­teur : les déclarations de 1675 et « le censier du Grand fief de Saint-Maurice en ville et dans les faubourgs » de 1767-1789 dressé par Thorode (Arch. dép. de Maine-et-Loire, G 402 et 407). Quoique moins précis que d’autres réalisés à la même époque, ces registres ont permis d’élaborer un premier plan. Pour chaque maison, les confronts sont donnés pour les quatre côtés. En partant des maisons bien connues, on peut suivre pas à pas les maisons décrites. Ce travail est déjà assez long d’exploitation car chaque document comprend une soixantaine de folios pour la Cité et ses abords immédiats. Les remembrances des fiefs inscrites dans le censier du XVIIIe siècle remontent parfois jusqu’au XVe siècle. On peut ainsi suivre les modifications intervenues. Le censier du fief de Saint-Maurice de 1415 (Arch. dép. de Maine-et-Loire, G 404) est moins précis car les confronts sont plus sommaires mais il nous donne toujours le nom de l’occupant ; ce qui permet de déterminer le statut de la maison. Toutes les demeures de la Cité ne sont pas décrites dans ce censier. Il y a des oublis, comme par exemple la maison canoniale Saint-Paul, ou des informations connues seulement par les confronts. Le chapitre cathédral n’est pas le seul seigneur de la Cité. Le fief du Roi par exemple n’est connu que par des documents de Saint-Maurice car le premier censier du roi est de 1544 (id., C 220). Lorsqu’il existait des « trous » dans le parcellaire, il a fallu recourir à des sources externes au chapitre cathédral que nous avons décou­vertes au cours de notre étude. Aucun travail d’ensemble n’a été consacré aux fiefs à Angers comme celui réalisé pour Tours. Les modifications ont touché tous les îlots entre le plan du XVIIIe siècle et celui du XVe siècle. Des parcelles ont dû être subdivisées, comme par exemple la maison de Cunaud et la maison de Saint-Maurille. Les éléments architecturaux tels qu’un pignon fossile nous ont aidés à trancher. Il en est de même pour la maison de la confrérie Saint-Julien, incluse par la suite comme dépendance de la grande maison canoniale voisine. En revanche des parcelles ont parfois été réunies comme par exemple une maison de la rue Saint-Aignan, ou la maison canonia­le Sainte-Catherine, qui atteint une taille plus raisonnable par la suite.

Enfin le XVe siècle, après les profondes interventions du XIIIe siècle, a été marqué par toute une série de modifications. C’est ainsi que l’on peut voir que les maisons repérées des six ou sept dignitaires sont toutes proches de la cathédrale mais sans organisation spécifique. Hormis les trois archidiacres dont on a déjà parlé, le doyen habite la maison Saint-Martin (jusqu’en 1412) puis celle de Sainte-Croix et enfin celle de Saint-Barthélemy à partir de 1415. Les cinq maisons qui forment le côté sud du parvis sont occupées par les mêmes dignitaires et officiers du chapitre qui permutent pendant quelques années à l’intérieur du même îlot : le chantre, le maître-école et le maître de la Psallette. L’une de ces maisons est celle de Saint-Maurice, partiellement reconstruite en 1487. Le pénitencier est le plus près de la cathédrale en occu­pant la maison canoniale Saint-Luc reconstruite par Geoffroy Robin (273) avant 1413. Enfin le trésorier Jean Hauchepié (175) occupe avant 1386 la maison canoniale Saint-Pierre face au palais épiscopal. Les plus anciennes maisons de cette Cité sont la maison Sainte-Croix (5, rue Saint-Aignan) qui remonte au milieu du XIIe siècle, la maison Saint-Michel (17 bis, montée Saint-Maurice) dont les baies à remplages gothiques doivent dater du début du XIVe siècle et qui a été reconstruite par le chanoine Jean Bonnet (171). Malgré d’importants remaniements d’autres maisons du XVe siècle subsistent, celle de Saint-Barthélemy (9-11, rue Saint-Évroult) déjà mentionnée, celle de Sainte-Marie (10, rue Donadieu de Puycharic) achevée en 1479 par Jean Chauveau (405) et celle de Saint-Paul dans la rue du même nom, cons­truite en 1490 par le chanoine René de la Barre (492). Elle possède encore son oratoire voûté comme d’autres maisons. Toujours au XVe siècle à la suite de la disparition des maisons de ville des religieux, il y eut des modifica­tions : l’archidiacre d’Outre-Loire vint s’installer à la place d’une maison des Filles-Dieu, la maison de Cunaud, alors détruite, devient celle du chanoine Jean Brocet (299) qui agrandit ainsi la maison canoniale Saint-Maurille que dut rebâtir André Bessonneau (99), et celle de Fontevraud (La Haute Mule) est devenue une maison de rapport.

De l’ensemble canonial au sud de la cathédrale décrit plus haut, plus grand-chose ne subsiste : une place devenue (inévitable?) parking a été aménagée à la suite des actes de vandalisme révolutionnaire. En 1791, après la démolition de l’église Sainte-Croix, une rue est ouverte à travers l’enceinte et la maison canoniale Saint-Jacques. Depuis le cimetière Sainte-Croix, déménagé de ses sépultures à la fin du XVIIIe siècle, une pente est créée pour rattraper la différence de niveaux avec la Cité et occasionne la destruction du cloître et des bâtiments qui le bordaient. En 1792, c’est autour de la salle du chapitre. Le Directoire autorise l’amputation de l’ancienne église paroissiale et l’Empire acheva le travail destructeur avec l’abattement du porche en 1807. Enfin, on élargit la montée Saint-Maurice en taillant dans les dépendances des maisons canoniales. Malgré les dernières démolitions dues aux bombar­dements de 1944, la plupart des maisons, dont beaucoup ont été rebâties à l’époque moderne, sont toujours là. La Cité, en marge des activités urbaines et malgré bien des aléas, a conservé son aspect résidentiel, héritage du quartier canonial.

(...)

 
Diocèse Angers

 

 

Compte rendu de la réunion de l'équipe des Fasti du 1er juillet 2005

 

Informations générales

Le GDR Salve arrive à échéance au mois de décembre prochain. Un dossier de demande de renouvellement a été déposé.

Nouvelles

Les prochaines réunions des Fasti (2006) auront lieu :

En hiver : le 27 janvier, en lien avec un stage consacré aux livres liturgiques du Moyen Âge, le 28 janvier, sous la houlette de Jean-Baptiste Lebigue (IRHT). Ce stage débutera le vendredi 27 à 15 heures dans la foulée de la réunion des Fasti et aura lieu à l'École des Chartes. Après une présentation générale des livres de la messe et de l'office, cette session proposera l'étude spécifique d' ordinaires liturgiques manuscrits, destinés à des églises de Cambrai.

En outre, Benoît Jordan s'est offert pour organiser un stage sur les objets liturgiques. Le lieu en sera finalement Paris, avec visites probables au Musée de Cluny et au Trésor de Notre-Dame. Quatre dates sont en balance : le vendredi 31 mars, le samedi 1er avril, le vendredi 19 mai, le samedi 20 mai.

En été : en marge du colloque du CERCOR au Puy-en-Velay (29 juin-1er juillet). Ce colloque sera consacré aux chanoines réguliers. Michel Parisse en a fait la présentation à notre réunion. Pour ceux de nos diocèses dont le chapitre est OSA, ce colloque est fondamental. Pour les autres, il pose de toute façon le problème du passage de la sécularité à la régularité. Si quelques repères chronologiques sont bien connus (1059, 1092) on s'explique mal pourquoi, alors qu'au IX e siècle le mode de vie canonial est jugé trop facile, au XII e siècle, des hommes ont voulu devenir chanoines réguliers alors qu'il existait d'autres moyens de vivre régulièrement. Le XII e voit non seulement la transformation de communautés en communautés de chanoines réguliers mais également des fondations nouvelles. Le principe de tenir notre réunion d'été au Puy a donc été adopté. On verra cet hiver comment le mettre à exécution.

Ouverture au mois d'octobre 2005 de l'accès à "l'Opération Charles VI" visant à repérer – dans un but prosopographique – les personnes actives sous Charles VI.

Le LAMOP organise le 26 novembre 2005 une journée consacrée à la désignation des évêques. Il s'agit d'une séance de travail qui a pour but l'étude du vocabulaire employé et vise à faire un premier bilan des sources à utiliser pour repérer ce vocabulaire.

Au séminaire « L'Église et les églises en Occident à la fin du Moyen Âge » (ENS, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris), les Fasti seront représentés par Christine Barralis et Hélène Millet à la séance du 2 décembre (10h-18h), avec le sujet suivant : « Que veut dire l'expression ecclesia meldensis (Meaux est ici un exemple) à la fin du Moyen Âge ? ».

Le programme Pèlerinages et sanctuaires du GDR Salvé projette de développer la recherche sur le thème des cathédrales, avec pour point de départ les questions suivantes :

  • Quelles étaient les reliques ou « ymages » possédées par les cathédrales qui furent l'objet d'un culte spécifique ?
  • Sous quelles formes ce culte s'est-il développé ? Comment différencier processions et pèlerinages dans les sources médiévales ?
  • Quelle part les autorités épiscopales ont-elles prises dans le développement du culte ?

Avis de recherche : Qui a rencontré Henri Romain, chanoine de Tournai, Laon, Thérouanne et St-Méry de Paris entre 1429/32 et ca 1459, et par ailleurs traducteur de Tite-Live et de chroniques universelles ainsi que père de 4 enfants ? Prévenir Jacques Pycke.

 

I. L'ordinaire de la cathédrale de Tournai , par J. Pycke

H. Millet a invité J. Pycke à l'occasion de la sortie de son livre Sons, couleurs, odeurs dans la cathédrale de Tournai au XV e siècle, Tournai 2004, 286 pages. Qui, en effet, mieux que l'archiviste de la cathédrale qui conserve encore un magnifique fonds médiéval [1] pouvait restituer la vie de cette église ? Il l'a fait devant nous à partir d'un document exceptionnel, un manuscrit du XV e qui portait le nom de coutumier dans l'inventaire mais s'est révélé, à l'étude, être un ordinaire.

Le manuscrit qui a fait l'objet de l'intervention a été écrit au XV e sur un papier remontant aux années 1420 eu égard à son filigrane, un filigrane italien qui s'est répandu dans la région de Troyes puis dans celle d'Arras. Il a été transcrit par deux mains différentes et le manuscrit comporte en fait trois éléments de même format reliés ensemble au xviii e siècle.

Le premier élément est un cérémonial destiné à celui qui doit diriger les offices liturgiques de la cathédrale en fonction de la solennité.

Le second élément comporte des corrections et additions à apporter à l'ordinaire rouge. Ces corrections concernent le Sanctoral.

Le troisième et dernier élément concerne le Temporal depuis l'Avent jusqu'à la fête du Saint Sacrement. L'intervention de deux mains y est très nette. Cette dernière partie du document permet de constater que du point de vue du chant, la cathédrale de Tournai a adopté le mode vénitien. Contrairement à ce qui se passe dans le mode romain, le chant est prépondérant et ne peut pas être interrompu par le célébrant.

Ce document témoigne d'une volonté de remise en ordre de la liturgie jusque dans ses moindres détails ; il a été élaboré dans une période où, à Tournai, la discipline est reprise en main au même titre d'ailleurs que les affaires temporelles. A ce propos J. Pycke fait constater qu'il existe des « moments d'écriture » dans les maisons religieuses et que ces moments sont globaux et ne se cantonnent pas à un seul domaine.

À partir de ce document J. Pycke a voulu montrer la vie de la cathédrale de Tournai au XV e siècle et a présenté ses divers espaces.

Le plan de l'enclos capitulaire constitué de l'ensemble des maisons canoniales donne une première idée de la puissance d'un chapitre qui compte 42 prébendes et est un véritable pouvoir dans la ville face à l'évêque imposé par les ducs de Bourgogne. La puissance du chapitre est fondée sur un faux diplôme qui lui donne des droits régaliens importants et notamment de passage sur l'Escaut. Par ailleurs, le chapitre affirme sa puissance en revendiquant des liens avec Chilpéric qui figure sur son sceau. Jusqu'en 1796, la fête de Chilpéric est célébrée avec une solennité particulière, sur le mode majeur, avec distribution de pain et d'anguilles à 300 pauvres.

La liturgie (50 à 60 messes par jour dans la cathédrale de Tournai) est assurée par un personnel très important : outre les 42 chanoines dont à peine 20 % résident ce qui est insuffisant pour assurer la liturgie, il faut ajouter les grands vicaires [2] (12 astreints à la stricte résidence et organisés pour défendre leurs droits face aux chanoines), les vicaires amovibles au nombre de 6, les 38 chapelains et les 12 enfants de chœur. Lors des offices majeurs ce sont environ 130 personnes qui prennent place au chœur. Elles portent des habits liturgiques fastueux dont J. Pycke nous a montré quelques exemples [3] à partir de son diaporama. C'est bien normal dans une cathédrale dont les chanoines ont un pouvoir d'achat 12 fois supérieur à celui d'un ouvrier qualifié. Le luminaire aussi est fastueux puisque ce sont alors 300 cierges qui brûlent en même temps.

Pour faire face aux exigences de cette liturgie, le chœur de la cathédrale a dû évoluer. Le chœur de Tournai est un bon témoignage de ces évolutions. Il montre comment il fallait également tenir compte des contraintes liées aux tombeaux des évêques qui voulaient y être inhumés et demandaient pour ce faire l'autorisation à leur chapitre. Leurs tombeaux voisinent avec la châsse [4] du premier d'entre eux, Eleuthère, modifiée en 1247 et installée derrière le maître autel. L'apparence de ces tombeaux est assez proche de celle des évêques d'Amiens encore conservés in situ (dalles de laiton portées par des lions).

Le chœur est séparé des autres espaces de la cathédrale par le jubé. Il n'a pas toujours existé. D'une manière générale, le jubé fait un retour en force dans les cathédrales au XIII e siècle. Celui de la cathédrale de Tournai date du XVI e et il a pour constructeurs les concepteurs de l'Hôtel de Ville. Il n'est pas tourné vers les fidèles car les chanoines n'entretiennent pas de liens pastoraux avec les fidèles, se contentant de contrôler les curés des paroisses de la ville. Il joue un rôle dans les célébrations liturgiques : plus la fête est importante, plus grand est le nombre de personnes qui montent au jubé.

À Tournai, l'office musical est d'une qualité exceptionnelle, très loin du misérabilisme imposé par le XIX e . En témoigne la messe de Tournai (1349) largement influencée par Avignon. C'est la première polyphonie sans unité. Son Ite missa est, par exemple, comporte trois voix différentes qui chantent trois choses différentes dont une chanson d'amour (Je n'ai pas réussi à vous séduire…)

L'espace des paroissiens est la nef qui abrite l'autel paroissial. Elle est impressionnante par sa taille mais il ne faut pas oublier que la cathédrale reste l' ecclesia matrix qui devrait pouvoir abriter, une fois par an, toute la population de la cité. C'est un espace profane, au même titre que le transept.

À son sujet, J. Pycke énumère toutes les fonctions qu'il remplit : c'est le lieu de vente des cierges, des images pieuses, de l'exposition de la sognie, une chandelle qui a la longueur du rempart de la ville ; c'est aussi le lieu d'exposition des enfants abandonnés, de mort des malades. On y tient les synodes diocésains. Bref c'est un espace à tout faire.

Pour terminer ce panorama de la cathédrale qui a bien restitué l'ambiance colorée [5] et sonore de la cathédrale – qu'on songe aux 48 sonneurs de la fin de l'Ancien Régime – J. Pycke évoque un document particulièrement original, une « pub » pour la cathédrale commandée par les fidèles vers 1420. Tout en elle la place au rang des plus prestigieuses : son ancienneté, son trésor de reliques, la qualité du clergé qui y officie, les miracles qui s'y sont accomplis.

[1] Pour faire « baver d'envie » les présents, J. Pycke signale deux inventaires médiévaux des archives de la cathédrale : le premier, un rouleau du XIII e siècle, est classé en fonction des auctoritates qui ont délivré les actes. Le second du XV e siècle recense 6000 documents classés selon un ordre géographique.

[2] C'est peut être l'un de ces grands vicaires et non pas un chanoine que l'on voit en train d'administrer le sacrement de la réconciliation dans le Triptyque des Sept sacrements de Roger Van der Weyden. En effet, compte tenu du peu de liens qui existent entre les chanoines et les fidèles, il est plus logique de penser que c'est un grand vicaire qui est ici représenté même s'il porte l'aumusse. En effet les grands vicaires de Tournai la portent aussi mais elle est en poils de chèvre lorsque celle des chanoines est de vair ou d'hermine.

[3] A noter la capa retro aperta dont l'orfroi est composé d'une partie vide où l'on peut glisser des dessins du saint du jour. A noter qu'une chapelle liturgique complète, au XVI e siècle, coûte autant qu'une église à trois nefs avec clocher.

[4] Comme toute cathédrale, Tournai dispose de nombreuses reliques, autant que de saints fêtés. Son trésor est donc impressionnant comme en témoigne la grande procession où toutes les châsses sont sorties du trésor et déposées sur et autour du maître-autel qui en temps ordinaire est entouré de courtines qui ne permettent pas de le voir.

[5] La cathédrale de Tournai était peinte aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur.

 

II. Le diocèse de Genève : ébauche de la notice historique par M. Fol et Ph. Généquand:

D'emblée, il faut souligner le caractère double d'une bibliographie dans laquelle la qualité de l'érudition suisse s'oppose assez fréquemment au laxisme des « ecclésiastiques français ». Cela apparaît de manière évidente dans la comparaison de la publication de l'obituaire de la cathédrale et de celui des Macchabées. Il n'y a pas de grande publication synthétique sur le chapitre cathédral de Genève, le travail de référence actuel étant le volume de l' Helvetia Sacra de 1980 consacré au diocèse de Genève et à l'archidiocèse de Vienne dont il est suffragant. Par contre il subsiste de belles séries de délibérations capitulaires pour la période 1418-1535.

Le diocèse de Genève qui fait 6 800 km 2 est marqué par le relief : 40 % de son territoire se situe à plus de 600 mètres d'altitude et cette altitude influe sur la taille des huit décanats qui sont les circonscriptions ecclésiastiques inférieures qu'il abrite. Plus on s'élève en altitude, plus leur taille est importante. Cette spécificité géographique (diocèse alpin, sillon rhodanien) n'est pas négligeable.

À côté de la cathédrale de Genève, le diocèse abrite les collégiales de Sallanches (1389), de Notre-Dame de Liesse à Annecy (1395) et des Macchabées (1406). Toutes ces collégiales sont nées avec le Schisme qui s'est révélé une aubaine et non pas une crise pour le diocèse.

Genève est devenue centre épiscopal dans la deuxième moitié du IV e siècle et son premier évêque connu est Isaac. Sa cathédrale est placée sous le vocable de saint Pierre. L'évêque est seigneur de la ville qui est dans l'immédiateté de l'empereur. Au cours du Moyen Âge, l'évêque a eu à lutter contre les comtes de Genève puis de Savoie.

En 1444, le pape de Bâle Félix V s'octroie la commende du diocèse. Lors de son ralliement à Nicolas V il obtient de pouvoir conférer ce diocèse à qui bon lui semble. Résultat, pendant près de trois quarts de siècle, le diocèse de Genève reste dans la famille des Savoie.

L'évêque est assisté de vicaires généraux à partir de 1309 puis de 1371. Ils deviennent permanents au XV e . Ces vicaires généraux se succèdent à un rythme parfois très soutenu : 25 pour l'épiscopat de Jean-Louis de Savoie (1460-1482).

Quand les absences de l'évêque se prolongent au point qu'il ne peut exercer les fonctions spécifiques de sa charge, il est suppléé par des évêques auxiliaires (dès la fin du XIV e ) qui deviennent pérennes à partir de 1443 et pratiquent la visite pastorale. Les archives conservent 5 registres de visites pastorales mais il n'y a aucune documentation pour la ville même de Genève.

L'officialité fonctionne à partir de 1225 et a fait l'objet de deux séries de statuts au XV e , statuts qui portent sur l'organisation et le fonctionnement de la cour de l'official. 70 officiaux ont été recensés entre 1225 et 1536. L'évêque de Genève est de même assisté d'un garde des sceaux également appelé notaire ou secrétaire du diocèse, d'un receveur général des finances et d'un procureur épiscopal. Son conseil épiscopal l'assiste pour tout ce qui relève de sa temporalité.

Les chanoines de la cathédrale habitent à proximité de l'Église-mère qui est flanquée d'un cloître à étage. C'est, en effet, à l'étage qu'ils tiennent leurs réunions dans la salle capitulaire. La rue des chanoines a été rebaptisée au XIX e rue Jean Calvin.

Il existe des clercs de l'évêque dès le milieu du XI e mais le terme de chapitre n'est utilisé de manière continue qu'à partir de la fin du XIIe siècle. Les statuts du chapitre sont tardifs puisqu'ils datent de 1483 mais ils sont explicitement présentés comme une mise à jour des statuts de 1292. Le chapitre est composé de 30 chanoines cooptés. Ils sont dirigés par un prévôt qui ne dispose que d'une seule prébende ; ils sont nécessairement nobles ou à défaut doivent, à partir du pontificat de Martin V, disposer d'un titre universitaire.

À côté du prévôt on relève trois offices canoniaux :

  • celui du chantre qui est le responsable des écoles
  • celui du sacriste qui a en charge le trésor conservé à la sacristie
  • celui des 8 doyens ruraux dont le rôle ne cesse de péricliter à partir du XII e siècle

Parmi les chanoines prébendés on note :

  • un maître de l'œuvre
  • un hebdomadier, semainier, chanoine tournaire
  • un chanoine calendaire
  • Ces chanoines sont assistés d'officiers qui ne sont pas chanoines, le procurator et le parvus procurator.

 

III. Les chanoines dénonciateurs et la répression des excessus prelatorum aux XIII e et XIV e siècles par J. Théry

Partant du constat qu'à partir du pontificat d'Innocent III les enquêtes contre les prélats (archevêques, évêques, abbé et autres supérieurs religieux) accusés de crimes énormes se sont multipliées, Julien Théry s'intéresse au fonctionnement concret de ces enquêtes, dans lesquelles le rôle des chanoines est important. Ce sont eux, en effet, qui rendent bien souvent la procédure possible en rapportant au pape la renommée (fama) des crimes énormes – il s'agit d'une catégorie juridique – commis par le prélat incriminé.

Dans sa thèse, il a analysé en détail l'une de ces enquêtes, menée en 1307-1308 contre l'évêque d'Albi Bernard de Castanet. Cette enquête n'est pas un cas unique, loin de là, puisque J. Théry a pu recenser plusieurs centaines cas documentés et évalue à plus de 600 le nombre d'affaires dont restent des traces pour le seul XIIIe siècle.

Les documents liés à ces enquêtes sont de natures diverses ; le plus souvent, seule une infime partie des documents concernant une affaire sont parvenus jusqu'à nous.

Les plus nombreux, de très loin, sont des mandements pontificaux (pour lesquels des incipit – par exemple du type Grave gerimus et molestum… – et des préambules spécifiques existent à la chancellerie pontificale) . Par ces mandements, qui reprennent la liste des crimes supposés commis par le prélat objet de l'enquête, le pape ordonne à des commissaires de faire une enquête non pas sur les faits, mais sur la fama concernant ces faits. Il s'agit donc d'une enquête préliminaire, qui peut avoir lieu sur place, mais aussi à la Curie. Si elle se révèle positive, le pape lance dans un second temps une enquête de vérité menée in partibus , qui porte, elle, sur la réalité des faits dénoncés. Au cours de cette étape principale de la procédure, les enquêteurs doivent réunir les preuves, c'est-à-dire, pour l'essentiel, des témoignages directs concordants. Des dossiers contenant les procès-verbaux des auditions de témoins in partibus ont parfois subsisté – mais le cas est rare. Dans un dernier temps, à partir de ces procès-verbaux ramenés par les enquêtes, des clercs de la Curie compilent des synthèses à l'intention pape ou du cardinal qu'il a éventuellement commis pour prendre l'affaire en charge. Ces recollectiones réunissent méthodiquement les éléments à charge et à décharge.

La plupart de ces procédures finissent bien pour le prélat accusé, mais il arrive qu'il soit tenu à une purgatio canonique avant d'être relaxé, voire qu'il soit déposé (plusieurs cas concernent des prélats italiens trop proches des Staufen). On connaît même un cas – certes très atypique – de condamnation à mort, celui de l'évêque de Cahors, Hugues Géraud, supplicié en 1317 pour avoir assassiné par voies occultes un neveu de Jean XXII et s'en être pris au pape lui-même par envoûtement.

Dans la mise en place de ce type d'enquête, le concile de Latran IV a marqué une étape essentielle, notamment par l'adoption du canon 8, Qualiter et quando (dont J. Théry a présenté rapidement le texte) qui fait la synthèse de deux décrétales antérieures du pape Innocent III concernant l'une les enquêtes contre les réguliers simoniaques (Licet Helie, 1199) et l'autre la procédure inquisitoire contre les prélats séculiers (Qualiter et Quando, 1206). Avant ces deux décrétales toute procédure criminelle menée à l'encontre d'un prélat était fort difficile. Le système accusatoire supposait en effet :

  • qu'on ne pouvait accuser quelqu'un d'un rang supérieur à moins de démontrer au préalable une qualité de vie au moins égale à celle du supérieur – seul cas dans lequel Gratien autorisait l' inscriptio indispensable pour toute ouverture d'une instance d' accusatio.
  • la nécessité de réunir 72 témoignages concordants pour convaincre un évêque (en vertu d'une vieille règle contenue dans les Fausses décrétales du Pseudo-Isidore).

Autant dire que l'accusation d'un prélat délinquant était chose quasi-impossible ! De fait, en pratique, les seules affaires connues avant la fin du XIIe siècle tenaient à des contextes exceptionnels, avec interventions directes d'importants personnages, religieux ou séculiers.

Avec les modifications introduites par Innocent III, la mise en cause des prélats criminels devint possible, avec l'attribution à la fama d'une fonction accusatrice. Ceux qui relayaient les accusations à la Curie pouvaient désormais le faire sous couvert de la « commune renommée », vox et fama communis , évitant ainsi de prendre le statut d'accusateurs, avec tous les risques qu'il comportait. Les dénonciateurs pouvaient d'ailleurs demeurer anonymes si le pape le jugeait bon. Dans ce cas, les lettres de mandement lançant les enquêtes n'invoquaient que la fama des crimes, en taisant les noms des chanoines ou des moines qui l'avaient portée auprès du pape – lequel procédait pleinement ex officio . Bien souvent, les dénonciateurs apparaissaient toutefois dans la procédure, comme « promoteurs » des causes et auxiliaires des juges pontificaux.

À partir du pontificat d'Innocent III, moines et chanoines affluent à la cour d'Innocent III pour dénoncer leurs supérieurs. J. Théry esquisse une typologie des situations rencontrées, à partir d'une liste d'affaires mettant en scène des chanoines dénonciateurs – liste extraite du premier recensement proposé dans son Mémoire de fin de séjour à l'École française de Rome (présenté à l'Institut en juillet 2004). Le pape met à profit ces démarches pour s'insérer dans les jeux locaux et renforcer la centralisation de l'institution pontificale. Rien ne l'oblige à agir lorsqu'une mauvaise fama lui est rapportée, mais il est informé de ce qui se passe localement. Ceux qui se rendent à la Curie dans le cadre de ces procédures effectuent au moment de se mettre en route une officielle et solennelle itineris arreptio , objet d'un acte notarié, qui les place sous la protection du pape, à l'instar des pèlerins, – même si de véritables chasses à l'homme sont parfois organisées par les évêques pour arrêter en chemin des chanoines qui tentent de faire parvenir au Saint-Siège la fama de leurs méfaits.

Finalement, ces enquêtes apparaissent aux xiii e et xiv e siècle comme un véritable moyen de gouvernement de la hiérarchie ecclésiastique par la monarchie pontificale.

À la suite de l'exposé de J. Théry, V. Tabbagh fait remarquer qu'il y a dans ces affaires un parallélisme avec les conflits opposant curés et paroissiens. Il se demande si la procédure ex officio ne se serait pas mise en place localement avant d'être généralisée par Innocent III qui l'aurait utilisée contre les Églises locales dans un jeu qui rappelle celui de l'arroseur arrosé.

 

IV. Vers un site internet pour la base Fasti, par Stéphane Raux

Chargé de préparer la base de données « Fasti », c'est-à-dire la base cumulant les bases de données diocésaines, S. Raux en a présenté la structure. Le principe de la mise en ligne de la base « Fasti » sur un site Internet accessible sur mot de passe aux seuls membres des Fasti a été accepté par notre éditeur, qui aura quant à lui la charge d'en préparer une version interrogeable par le public sur son site payant, Brepolis. Cette base Fasti recevra les versions corrigées et complétées par leurs auteurs des neuf bases diocésaines actuellement publiées ; elle pourra être nourrie par Internet ou par des fichiers ACCESS réalisés selon le modèle « Fasti légère » actuellement utilisé pour la fabrication des nouvelles bases (il s'agit seulement du transfert sous ACCESS de l'ancienne structure 4D ou Dbase).

La base « Fasti » est une base de données multi-relationnelle. La correspondance entre les champs de « Fasti légère » et ceux de « Fasti » n'est pas totale, mais les divergences ont été réduites au maximum de façon à ce que le passage de l'une à l'autre soit possible automatiquement, moyennant quelques interventions manuelles.

Les divergences se situent au niveau des noms et des parents. Dans « Fasti », la saisie de chaque nom, qu'il soit prenom, pre_bis, nom, nom_bis, nom_franc ou nom_list, donnera lieu au renseignement de trois champs pour former une « table » des noms :

  • nom
  • type : est-ce un nom ou un prénom ?
  • langue : est-ce du latin ou du vernaculaire ?
  • Le remplissage de ces champs sera automatique, sauf pour nom_bis ou le champ langue sera à renseigner manuellement. En revanche, les interventions manuelles sur l'édition des notices et les index, jadis signalés par un @, n'auront plus lieu d'être.

De même, le champ « parents » de « Fasti légère » correspondra à une table des parents et comportera quatre champs pour chaque parent :

  • lien : quel lien de parenté avec le chanoine ?
  • nom
  • fonction : celle de ce parent
  • numéro Fasti : celui de ce parent s'il est déjà répertorié

Il est donc conseillé à tous d'adopter une nouvelle syntaxe pour l'écriture des données dans le champ « parents » de « Fasti légère ». Pour chaque parent, écrire la séquence [lien]-[nom], [fonction] ([numéro]). Les crochets carrés sont là pour isoler chaque élément ; ils ne sont pas à saisir, contrairement au tiret, à la virgule et aux parenthèses. Chaque parent est séparé du suivant par un point virgule.

Pour tous les autres champs, la syntaxe définie pour « Fasti légère » reste inchangée. On notera que le non-respect de cette syntaxe sera détectée lors du transfert automatique d'une base « Fasti légère » dans la base « Fasti », et, pour chaque anomalie détectée, une intervention manuelle sera à prévoir.

V. Le reseau des cathédrales bénédictines de la province de Toulouse, par F. Ryckebusch

Faute de temps, Fabrice Ryckebusch n'a pas pu intervenir lors de cette séance. Son intervention est reportée à la prochaine session.

Ce compte rendu a été réalisé à partir des notes de Fabrice Ryckebusch et de Sofiane Abdi qui vous prient de les excuser s'ils ont laissé passer des informations essentielles.

Compte rendu de la réunion de l'équipe des Fasti du 11 janvier 2008

 

Nouvelles

Le volume sur Poitiers paraîtra au printemps.

6 nouvelles abréviations sont utilisables dans la base FEG :

elles doivent être "collées" aux dates :

  • map = mort après
  • nap = né après
  • mav = mort avant
  • nav = né avant
  • mca = mort circa
  • nca = né circa

Que mettre dans la page "Informations du diocèse" ? Il faut indiquer les différences existant entre la base FEG et le volume papier. Par exemple, pour "Sources", vous devez cocher Oui ou Non : cela revient à dire si, oui ou non, la liste des sources (indiquée dans le volume papier) est disponible sur la base FEG.

"En-têtes de listes chronologiques" = si vous ne souhaitez pas reprendre les chapeaux de présentation insérés dans les volumes précédents pour chacune de ces listes, vous pouvez saisir un texte personnalisé.

Dans la future base Brepolis de consultation payante, on pourra étendre les recherches à la parenté. Il n’y aura pas identité entre elle et l’actuelle base FEG.

Deux thèses ont été soutenues avec succès :

  • Delphine Lannaud, Les évêques des diocèses bourguignons à la fin du Moyen Age (1415-1515).
  • Marie-Laure Jalabert : Autour du Livre vert : idéal et réalités de la seigneurie des archevêques de Narbonne, de Gilles Aycelin à Pierre de La Jugie (1290-1375).

Entrée de 3 livres dans la bibliothèque :

  • Carreiras eclesiasticas no Occidente Cristao
  • Fasti Ecclesiae Scotticanae
  • Kristiane Lemé : Les stalles de la cathédrale d’Amiens

 

Projet européen

Il existe plusieurs programmes européens dans lesquels les « Fasti Ecclesiae Gallicanae »pourraient s’intégrer. Le premier objectif que l’équipe s’était fixé, consistait à postuler dans le programme Infrastructure. Mais les chances de sélection étaient très minces ; on a donc choisi de se tourner vers un autre projet intitulé eContenplus, géré à Luxembourg-Ville.

L’appel d’offres de ce dernier est attendu pour juin 2008, avec dépôt de dossier en octobre. Une réunion a eu lieu en septembre à Paris avec les futurs partenaires, portugais, hongrois et croate ainsi que notre éditeur, Brepols. Il est apparu nécessaire de ne pas se contenter de présenter un projet centré sur la prosopographie, mais d’inclure d’autres corpus documentaires fondés sur les textes et les images, voire le son. Notons que notre logiciel a été demandé par les équipes hongroise et croate. Dans le but de le transmettre avec plus de sécurité et de le protéger, Stéphane Raux a repris l’écriture du code source et un dossier de déclaration d’invention a été déposé en vue d’obtenir une licence Cecill.

Le désir de travailler ensemble, même en cas de rejet du projet européen, a conduit à explorer la voie des GDRE, Groupe de Recherche Européen.

 

Notice institutionnelle du diocèse de Strasbourg, par Benoît Jordan

(N.B. : ce qui suit n'est pas un compte-rendu mais la copie du document diffusé par B. Jordan lors de la réunion).

Historiographie

Sources

Le fonds du grand chapitre est divisé en deux parties, conservées l’une aux Archives de la Ville et de la Communauté Urbaine de Strasbourg, l’autre aux Archives départementales du Bas-Rhin. D’une manière générale, les décisions du chapitre n’ont pas fait l’objet de transcriptions avant la fin du XVe siècle. Il n’y a pas de série constituée avant 1521 ; un seul registre est antérieur à cette date. On ne dispose pas non plus de listes de présence pour le Moyen Age.

AVCUS
  • 117 Z 1 : acta capituli ecclesie argentinensis (1452-1463). Selon Ph. Lorentz, ce registre consignant les faits marquants de la vie capitulaire peut être considéré comme « l’ébauche d’un registre de délibérations capitulaires » : audition de comptes, réception de chanoines ou de chapelains, copies d’attestation d’hérédité…
  • 117 Z 76 : cartulaire du chapitre. (XIIIe-XVe s.). Les actes concernant des biens à Strasbourg ont été publiés dans l’Urkundenbuch. Le plus ancien acte transcrit date de 1281 ; la majorité des actes est du XIVe s.
  • 117 Z 82 : liber missivarum variarum (1466-1481). Le secrétaire se réfère aux décisions capitulaires.
  • 117 Z 164 : actes isolés antérieurs à 1500.
  • 117 Z 194 : liber presentationum beneficiorum sive prebendarum curie thesaurarii ecclesie argentinensis (1426-1521).
  • 117 Z 196 : liber investiturarum (1470-1511).
  • 117 Z 198 : pièces isolées relatives à des fondations et des bénéfices (six pièces antérieures à 1500, dont une invitation faite à Etienne, comte palatin, nommé chanoine, à venir prêter serment - 1456).
  • 117 Z 213-216 : pièces isolées concernant les propriétés, les fondations, les bénéfices.
  • 117 435-437 : Küchenbücher (libri coquinae), ou listes de distribution (1451). Le 117 Z 436 (1451) donne une liste des membres du chapitre ainsi qu’une esquisse d’arbre généalogique de Henri de Henneberg, avec cette particularité d’indiquer uniquement les femmes à partir de la deuxième génération. Le 117 Z 437 donne la liste des dignités avec les nominations à différentes prébendes ou fonctions réservées aux titulaires de chaque dignité.
ADBR
  • G 2733 : cartulaire dressé en 1347 sur ordre du doyen Jean de Lichtenberg. La seconde partie de ce cartulaire a disparu, mais a fait l’objet d’une table dressée en 1787 (par J. J. Oberlin), conservée à la BNF, ms lat. 10934.
  • G 3463-3466 : Antiqua registratura : transcription intégrale d’actes anciens, réalisée au XVIe s.
  • G 3467 : liber coquinae (XIVe s.).
BNUS

Ms 5213 : liber coquinae (1418) avec liste des distributions en argent et en nature ; texte des serments que les nouveaux chanoines et dignitaires doivent prêter ; liste des bénéfices à la collation de l’évêque et des dignitaires ; liste des cours domaniales.

 

Bibliothèque humaniste de Sélestat

Ms 91 : Manuscrit de Melk. Ce manuscrit écrit vers 1224-1227 tient son nom de l’abbaye autrichienne qui le possédait avant son rachat par la bibliothèque humaniste de Sélestat au début du XXe siècle. Il a été publié en plusieurs articles dans le Urkundenbuch der Stadt Straßburg, t. IV/1. Il se compose d’un obituaire (dressé vers 1228 et complété jusque vers 1270) et d’un censier et registre de distributions pour la même époque. Y ont été ajoutées des actes divers, sans ordre, statuts capitulaires, fondations pieuses, transfert de cours claustrales, sur une période allant jusqu’au XVe s. Aussi porte-t-il le nom de liber regulae.

 

Folios Analyse (référence dans USS, IV/1)
54 Trois décisions du chapitre sur les fêtes à célébrer à la Sainte-Marguerite, à la Saint-Henri (empereur), et sur l’administration des prébendes vacantes (40).
54 Attribution de revenus au curé de Molsheim par l’évêque Berchtold – 1233 (45).
93-94 Etat des revenus en nature et en argent, au profit des chanoines (26).
94-95 Commutationes vel concambia quarundam oblationum, que selgerete nuncupantur, breviter statuimus annotare, ne anime fidelium in anniversariis earum debitis vigiliarum et missarum officiis privarentur et ne portarius negligentia vel alii canonici ejus arguerentur (27).
95-97 Descriptio quorundam arealium infra civitatem sitorum ad oblations, que vocantur Selgerete, pertinentium (25).
97 Descriptio arealeum et domorum infra civitatem partim ad communes usus fratrum partim ad cenam pertinencium, que ex parte inter arealea superius scripta descripsimus, que iterum propter specialem pertinentiam describemus (29).
98-99 Item descriptio allodiorum extra civitatem sitorum ad communes usus ad cenam pertinencium (30).
99 Hic continentur feoda, de quibus olim dabantur servicia, sed modo dantur denarii, qui dicuntur dienstphenninge (31).
99-100 Annotations sur des revenus en argent et en nature dus par des particuliers (32).
100-102 Nota. Hec sunt bona, que sita sunt extra civitatem, de quibus dantur denarii frumentum et vinum, que pertinent ad selgerete et portarius debet dividere fratribus (33).
102 Annotations sur les distributions en nature à effectuer pour l’entretien du réfectoire par le pincerna et le cellérier (34).
102-103 Annotations sur les distributions que doit faire le portier (35).
104-105 Hic continentur qui habent arealea de Selgerete intra civitatem sita et dant censum debitum (28).

Les actes émanant du chapitre ou reçus par lui ne donnent que rarement le nom des individus qui le composaient. Bien souvent, la mention des membres est globale, seul le nom d’un ou de deux dignitaires étant précisé. En revanche, un certain nombre d’actes conservés dans des fonds divers ont été publiés dans le Urkundenbuch der Stadt Straßburg, pour la période antérieure à 1400 ; ils intéressent des chanoines à titre individuel. Les Regesten der Bischöfe von Straßburg dont le tome II porte sur la période 1202-1305, contiennent un certain nombre d’analyses intéressant le chapitre.

 

Bibliographie

Le sujet a été étudié dans ses grandes lignes à travers trois thèses :

  • Adam VETULANI, Le grand chapitre de Strasbourg des origines à la fin du XIIIe siècle, Strasbourg, 1927, X-108 p. (collection d’études sur l’histoire du droit et des institutions de l’Alsace, t. II).
  • Jean ROTT, Histoire du chapitre cathédral de Strasbourg au XIVe et au XVe siècle, dactyl., 1932, thèse d’école des Chartes.
  • Philippe LORENTZ, Les chanoines de la cathédrale de Strasbourg aux XVe et XVIe siècles, dactyl. 1988, thèse d’école des Chartes, la seule qui se place dans la perspective prosopographique.

Dans un article paru en 1970 (Archives de l’Eglise d’Alsace), René Levresse publie plusieurs listes de chanoines entre le XIe et la fin du XVIe siècle. Le même auteur a rapidement étudié les custodes de la cathédrale au XIIIe siècle : « Les custodes de la cathédrale de Strasbourg au XIIIe siècle » (AEA, 1985, p. 19-24).

  • Urkundenbuch der Stadt Straßburg (avant 1400), 7 t.
  • Regesten der Bischöfe von Straßburg, ed. Alfred Hessel und Manfred Krebs, Innsbruck, 1924-1928 (t. II : 1202-1305).
  • LEVRESSE, René, « les suffragants de Strasbourg », AEA, 1974, p. 13-19.
  • RAPP, Francis, Réformes et réformation à Strasbourg, Paris, 1974.
  • RAPP, Francis, « les évêques auxiliaires à la fin du Moyen-Âge dans les diocèses de Constance, Bâle, Strasbourg et Spire », ds Les prélats, l’Eglise et la Société, XIe-XVe siècle. Hommage à Bernard Guillemain, Bordeaux, 1994, p. 109-117.
  • LEVRESSE, René-Pierre, « Les origines de l'officialité épiscopale de Strasbourg, au XIIIe siècle », AEA, 1986, p. 1-54.
  • - Id., «L'évolution historique de l'officialité de Strasbourg, (XIIe-XVIe siècle), la rançon du succès », AEA, 1988, p. 67-86.
  • - Id., « Les causes internes de la ruine de l'officialité », AEA, 1992, p. 79-149.
  • - Id. « L'officialité épiscopale de Strasbourg : son organisation », AEA, 1993, p. 117-179.
  • WERCKMEISTER, Jean, « les capitulations des évêques de Strasbourg du XIIIe au milieu du XVe siècle », AEA, 1974, p. 21-45.
  • JORDAN, Benoît, « Le Bruderhof, les cours capitulaires et les chanoines de la cathédrale au Moyen Age », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg, t. XXV, 2000, p. 165-177.

 

Géographie et histoire du diocèse

Le diocèse de Strasbourg s’étend sur une bonne partie de la Basse-Alsace, mais laisse le nord de la forêt de Haguenau, au-delà de la rivière du Seltzbach, au diocèse de Spire. Il possède une enclave dans le diocèse de Bâle qui couvre la Haute-Alsace : la région de Lautenbach, dans la vallée de Guebwiller, relève de sa juridiction. A partir du VIIe siècle, des localités sur la rive droite du Rhin, formant l’Ortenau, dépendent de l’évêque de Strasbourg. Du côté occidental, les limites avec les diocèses de Metz et de Toul ont connu des variations importantes, notamment à l’époque carolingienne : l’autorité du prélat messin s’étend alors jusqu’à Neuwiller-lès-Saverne. Plus tard, les limites varient dans la haute vallée de la Bruche et en Alsace bossue. C’est ainsi que le diocèse est voisin des diocèses de Spire, de Metz, de Bâle, de Constance. Il faut également rappeler que l’évêque, en tant que prince territorial, est propriétaire de la région de Rouffach, depuis Soultz jusqu’à Eguisheim, son voisin bâlois en étant le supérieur au spirituel. Enfin, le siège de Strasbourg est suffragant de l’archevêché de Mayence, dont l’autorité est théorique.

L’évêché de Strasbourg

Un siège épiscopal existe à Strasbourg (Argentoratum) au IVe siècle La ville reste jusqu’au XIIIe sous l’autorité seigneuriale de l’évêque. En 1262, au terme d’une guerre ouverte, les troupes de l’évêque Walther de Geroldseck sont battues à Hausbergen et la ville, par un accord scellé l’année suivante, se voit reconnaître une totale autonomie. Strasbourg est désormais ville de l’Empire. L’évêque n’apparaît plus qu’épisodiquement dans les murs de la ville. Cela se manifeste par l’absence de palais épiscopal. Le Fronhof (sur la place au sud de la cathédrale) apparaît au XIVe siècle comme un centre administratif plus que comme une résidence : l’évêque Jean de Dirpheim loue un hôtel comme résidence, le futur Luxhof. Les prélats résident plus volontiers à Saverne, à Molsheim ou au château du Haut-Barr.

La cathédrale

Une première cathédrale existait peut-être à l’époque mérovingienne. Le poète Ermold le Noir, exilé en Alsace par Louis le Pieux, donne dans un long poème une description d’un édifice en bois, sans doute celui qui est détruit en 1002 lorsque le duc de Souabe Hermann attaque la ville et l’incendie pendant la guerre liée à l’élection de l’empereur Henri II. L’évêque Werhinari ou Werner, membre de la famille appelée plus tard de Habsbourg, commence en 1015 la reconstruction d’un édifice aux dimensions exceptionnelles. Des travaux de consolidation de la tour nord du massif occidental ont permis, dans les années 1912-1925, d’identifier les fondations de 1015 : la cathédrale de Werhinari avait les dimensions de l’édifice actuel.

Cette cathédrale est reconstruite à partir des années 1160. Vers 1240, le chœur et le transept sont achevés. C’est à ce moment que l’art gothique fait irruption dans le monument avec les tympans du croisillon sud et le pilier des anges. La construction de la nef, entre les années 1240 et 1275 consacrent l’épanouissement du style gothique rayonnant. Entre 1277 et les années 1390, on élève en plusieurs étapes le massif occidental jusqu’à la plate-forme. La construction de la tour octogonale et de la flèche intervient entre 1399 et 1439.

 

Les collégiales

Les collégiales existant dans le diocèse recrutent leurs membres dans un milieu socialement différent de celui du chapitre cathédral. On les donne ici pour mémoire  :

À Strasbourg :

  • Saint-Thomas
  • Saint-Pierre-le-Vieux (déplacé de Honau à Rhinau, puis à Strasbourg en 1398)
  • Saint-Pierre-le-Jeune
  • L’oratoire de la Toussaint, plus modeste (fondé en 1327)

Hors de Strasbourg :

  • Saint-Adelphe à Neuwiller-lès-Saverne
  • Saint-Léonard à Boersch, dont le chef est le prévôt de la cathédrale
  • Saint-Florent de Niederhaslach
  • Saint-Arbogast de Surbourg

Un corps ecclésiastique, bien que n’étant pas défini comme un chapitre, intéresse de près les chanoines : le grand chœur, établi à la cathédrale, dont les membres dotés de prébendes sont chargés d’assumer un office délaissé par les chanoines. Une confraternitas est signalée à la fin du XIIIe siècle. En 1364, le grand chœur compte 64 membres qui obtiennent en 1414 le droit de porter l’aumusse et le bonnet en peau d’écureuil à l’instar des chapitres de Saint-Thomas, Saint-Pierre-le-Vieux et Saint-Pierre-le-Jeune. A la tête de cette institution figure le roi du chœur, une dignité qui aurait été créée par l’empereur Henri II en 1012. En 1437, le corps des prébendiers se dote de sept députés, chargés de représenter leur communauté auprès des chanoines qui conservent le contrôle de leur gestion. Jamais le grand chœur n’obtiendra une totale autonomie de la part des chanoines pour qui ses membres, malgré leurs qualités personnelles, restent de simples vicaires – voire de simples serviteurs. Les prébendiers fonctionnent d’une manière identique à celle d’un chapitre, avec répartition des revenus, tenue de comptes, biens communs et siège administratif (le Gürtlerhof).

L’organisation diocésaine

L’évêque s’entoure d’administrateurs qui forment son gouvernement au spirituel et au temporel. La part que les chanoines prennent à ce gouvernement entre 1250 et 1500 se résume le plus souvent à un exercice de contrôle et à des prétentions parfois assouvies, parfois agitées sans résultat. Notons que l’archevêque de Mayence n’intervient pas ou très peu dans le diocèse de Strasbourg. Il fait un essai d’imitions en 1300, mais il échoue face à un soulèvement de l’ensemble du diocèse.

 

Les suffragants

Les suffragants, évêques in partibus, ne sont jamais issus du chapitre cathédral, sauf une exception, en 1297. Avant 1450, on ne trouve guère que des religieux avec une prédominance pour les Mendiants, Dominicains ou Franciscains. Il faut dire que le couvent des Prêcheurs de Strasbourg est particulièrement brillant au long du Moyen Age, avec notamment la figure d’Albert le Grand.

La curia, le vicarius in spiritualibus ou vicarius in pontificalibus

La curia est dirigée par l’official, office cité à partir de 1230. Là encore, les chanoines en sont absents. Mais l’importance acquise progressivement par cet organe de gouvernement explique qu’en 1299, le chapitre tente de le placer sous leur contrôle. A cette date, l’évêque Frédéric de Lichtenberg, avant d’être élu, doit s’engager à nommer official un chanoine. A partir de 1346, l’évêque choisit un clerc hors du chapitre cathédral. Quant à la fonction notariale de l’officialité, incarnée par le sigillifer, elle passe progressivement sous le contrôle du gouvernement de la ville de Strasbourg : à la fin du XIVe siècle, le garde-scel peut être considéré comme un employé de la ville.

Les archidiacres

La première mention d’archidiacres figure dans un acte de 1109. Cette fonction a pu trouver son origine – ou bien être amalgamée – dans celle des Chorepiscopi, sortes d’évêques suffragants chargés d’administrer au spirituel un secteur déterminé du diocèse, voire même de seconder directement l’évêque titulaire. Les archidiaconats sont cités pour la première fois dans un acte de 1107. Au nombre de sept, ils sont détenus par des chanoines qui se partagent ainsi la juridiction épiscopale.

  • Infra Sornam et Matram : entre la Zorn et la Moder, archiprêtrés de Haut- et Bas-Haguenau (incorporé au doyenné en 1415)
  • Infra Rhenum et Matram : entre le Rhin et la Moder (incorporé au doyenné en 1415)
  • Ville de Strasbourg et sa banlieue, dit de Saint-Laurent (rattaché à l’office du trésorier)
  • Ultra Rhenum : Outre-Rhin, archiprêtrés de l’Ortenau : Lahr, Ottersweier, Offenburg
  • Per Marchiam : entre la Zorn et la Bruche, archiprêtrés de Bettbur et Molsheim
  • Entre l’Ill et le Rhin : doyennés de Benfeld et de Valf – ou Ill et Andlau (rattaché à la prévôté)
  • Archidiaconat cathédral : archiprêtrés d’Obernai et de Sélestat.

Alors que la fonction d’archidiacre reste active dans le diocèse de Bâle, il semble qu’elle soit réduite, pour le diocèse de Strasbourg au XVe siècle, à un complément de revenus au profit des chanoines.

Les chapitres ruraux

Ils se définissent comme des collèges ecclésiastiques territoriaux formés autour d’un doyen. C’est une sorte de confrérie dont l’assemblée capitulaire se dote de statuts sous l’autorité de l’archiprêtre, statuts approuvés par l’évêque ou son représentant, l’archidiacre. Cette organisation apparaît assez tardivement, au XVe siècle, généralement. Les membres du grand chapitre n’interviennent pas dans ce rouage ecclésiastique.

 

Le chapitre

Les origines

La première indication d’une communauté canoniale est donnée par les libri confraternitatium sancti Galli Augensis Fabiariensis, qui donnent une liste de quarante noms intitulée Nomina canonicorum de civitate Argentorata. L’évêque Bernold, qui règne de 822 à 840, y figure en première place.

En 976, l’empereur Otton II accorde aux clercs de la cathédrale des biens royaux pour leur usage. Cette donation est assortie d’une clause qui réserve aux chanoines la gestion de ces biens, à l’exclusion de toute autre autorité.

La vie commune a pu se maintenir pendant la période carolingienne et la période ottonienne. Une tradition encore reprise en 1789 affirme que la mense capitulaire fut divisée en 24 prébendes en 1019, par l’évêque Werhinari. D’autres thèses ont été agitées qui fixent cette division en 1031, en 1069, enfin durant la querelle des investitures. Toujours est-il qu’en 1129, la division est établie, puisque le prévôt indique dans un acte qu’il tenait une cour en bénéfice claustral.

Les statuts

Vers 1105-1106 sont rédigés deux faux attribués à Charlemagne et au pape Hadrien, attribuant au chapitre le droit d’élire l’évêque et consacrant son autonomie. A partir de 1299, sont promulgués plusieurs statuts touchant essentiellement à la gestion des prébendes et à la résidence, aux conditions de la désignation des chanoines.

Dignités

Le chapitre compte 24 chanoines, dont huit dignités :

  • le prévôt (prepositus, Domprobst)
  • le doyen (decanus, Dechan)
  • le trésorier (thesaurarius), également recteur de la paroisse Saint-Laurent
  • le chantre (cantor – il est également le garde-sceau du chapitre, selon Jean Rott)
  • l’écolâtre (scolasticus)
  • le chambrier (camerarius)
  • le cellérier (cellerarius)
  • le portier (portarius).

Seules les trois premières dignités ont encore un contenu réel au XVe siècle, les autres n’apportant guère qu’un surplus de revenus à leurs détenteurs.

 

Mode d’entrée au chapitre

En 1156, il apparaît qu’un nouveau chanoine est accueilli par le chapitre sans que l’évêque participe à cette réception, son rôle se bornant à remettre à l’impétrant sa prébende. Ce principe est réaffirmé en 1256 et en 1260. Dès le XIIIe siècle, un mode de cooptation est instauré : chaque chanoine désigne, à tour de rôle, son propre candidat à une prébende vacante, selon des listes d’ancienneté établies par le cellérier. Mais la désignation doit être confirmée par le chapitre lors d’une séance capitulaire, ce qui préserve la fiction de l’élection par la communauté. Quant aux provisions en cour pontificale, rares et mal acceptées, elles disparaissent après 1329.

Les évêques tentent également de nommer des chanoines. Mais après 1347, ils renoncent à toute tentative.

En 1318, l’évêque et les chanoines désignent 23 nouveaux chanoines, ce qui double le nombre des titulaires. Mais c’est la seule fois où apparaît ce mode d’organisation.

 

Noblesse

C’est bien le caractère noble du chapitre de Strasbourg qui constitue sa particularité. Seuls les Freiherren, les comtes et les barons, peuvent y prétendre, à l’exclusion des fils de chevaliers et de nobles ministériaux. Dans l’Empire, seul le chapitre de Cologne a de telles exigences. Vers 1383, on exige huit quartiers de noblesse, seize quartiers en 1479. Ce principe de recrutement va à l’encontre du droit canonique. La décrétale de Grégoire IX de 1227 (C. 37, X, 3. 5.) évoque une protestation du chapitre de Strasbourg contre la nomination par le pape d’un clerc au rang des chanoines. Les chanoines arguent de la naissance non noble de ce clerc, en contravention avec l’usage. Le pape repousse cette argumentation, mettant en avant les qualités personnelles qui doivent primer sur la naissance. Mais, bien qu’introduite dans le droit commun, cette sentence n’aura fait sourciller aucun des titulaires du chapitre.

Le recrutement des chanoines se trouve conditionné par cette obligation ainsi que par le jeu des influences et des réseaux familiaux. Les origines géographiques des chanoines évoluent entre 1250 et 1500 : jusque vers 1400, dominent les lignages alsaciens avec l’arrivée de familles de l’Empire ou de Suisse. La région mosane fournit également quelques noms, de même que la Lorraine. Au XVe siècle arrivent des hommes du diocèse de Constance, qui s’étend jusqu’au Rhin. Après 1450, on note l’arrivée de chanoines dont les familles sont implantées dans le diocèse de Wurzbourg. Vers 1500, les Allemands du Nord et les Rhénans dominent, une tendance qui s’affirme au XVIe siècle. Le dernier alsacien de souche à siéger dans une stalle strasbourgeois, Jean d’Ochsenstein, meurt en avril 1456. Un seul chanoine est originaire de la zone francophone, Olry (Ulrich) de Blamont (ou de Blankenberg), désigné avant 1434.

Avant le XVe siècle, il est difficile d’évaluer le niveau intellectuel des chanoines. A Strasbourg même, l’école capitulaire n’était guère brillante. En 1372, sa bibliothèque compte 91 livres, tous enchaînés. Cependant, avec l’humanisme, les jeunes chanoines ou les jeunes gens destinés à une carrière ecclésiastique fréquentent l’université (à Fribourg-en-Brisgau, Heidelberg, Erfurt).

 

  • Les familles :
  • Arberg
  • Bade
  • Barby-Muelingen
  • Bavière
  • Bechbourg
  • Blamont
  • Burgelen
  • Bussnang
  • Castell
  • Clèves
  • Créhange
  • Cremberg
  • Daun-Oberstein
  • Delmensingen
  • Deux-Ponts-Bitche
  • Dicke
  • Eberstein
  • Ehrenberg
  • Entringen
  • Feldkirch
  • Fénétrange
  • Ferrette
  • Florange
  • Frankenstein
  • Fribourg
  • Furstenberg
  • Geroldseck-Lahr
  • Geroldseck-Vosges
  • Gundelfingen
  • Habsbourg
  • Helfenstein
  • Henneberg
  • Hewen
  • Horbourg
  • Hurnheim
  • Kirchberg
  • Kirkel
  • Lichtenberg
  • Lierheim
  • Linange
  • Lupfen
  • Lützelstein (Petite-Pierre)
  • Nellenburg
  • Ochsentein
  • Ramstein
  • Reichenberg
  • Rhin (comte palatin)
  • Ribeaupierre
  • Rixingen
  • Sarrewerde
  • Schauenberg
  • Schwartzenberg
  • Stahleck
  • Stoeffel
  • Strahlenberg
  • Strassberg
  • Sulz
  • Sygnau
  • Teck
  • Tengen
  • Thiersberg
  • Thierstein
  • Usenberg
  • Veldentz
  • Wartenbourg
  • Wartstein
  • Wasserseltz
  • Wiltberg
  • Wolfach
  • Zollern

 

Le droit d’élection épiscopale

Le chapitre a pour principale prérogative d’élire l’évêque : ce droit qui lui est acquis après le concordat de Worms et confirmé en 1259 par Innocent IV. Or, Frédéric de Lichtenberg, élu en 1299, est le dernier avant longtemps (1439) à accéder au siège épiscopal par ce moyen. Il doit d’ailleurs signer une convention avec les chanoines (capitulation électorale). Ses successeurs sont désignés par le pape d’Avignon. Le concordat germanique, conclu en 1448, rétablit le droit d’élection pour les chapitres dans tout l’Empire.

Conflits avec l’évêque

Le chapitre n’est pas totalement indépendant de l’évêque. Le pontife nomme certains dignitaires (le trésorier, le chantre, l’écolâtre) et surtout confirme l’élection du prévôt. Il publie également les statuts et peut participer aux délibérations capitulaires. Enfin, l’évêque exerce sa juridiction sur le chapitre. Lui reviennent de droit les conflits entre chanoines ou prébendiers du chœur. Du point de vue domanial, chaque partie surveille la gestion des biens de l’autre mense.

Si le chapitre a également le pouvoir d’élire l’évêque - bien qu’au XIVe siècle (de 1306 à 1393) la papauté nomme les nouveaux titulaires - et s’il passe un accord avec l’élu garantissant ses droits, les occasions de conflit n’ont pas manqué : en 1337, Conrad de Kirkel se révolte contre Berthold de Bucheck ; en 1371, le doyen Jean d’Ochsenstein et l’écolâtre Georges de Veldentz se prétendent tous deux élus par le chapitre et guerroient contre l’évêque Lambert de Burne ; en 1393, on assiste à une double élection, celle de Burkard de Lützelstein contre celle de Guillaume de Diest. En 1415, ce dernier est séquestré par les chanoines affolés par la dispersion des biens épiscopaux.

 

Le fonctionnement du chapitre

Au XVe siècle, le chapitre se réunit le samedi, sans qu’il soit nécessaire de convoquer ses membres. Mais l’absentéisme oblige à instituer des chapitres généraux ordinaires à date fixe : le jour de la Saint-Georges (23 avril), et le lendemain de la Saint-Jacques (25 juillet). En cas de besoin, le doyen pouvait convoquer les chanoines en séance extraordinaire. La présence de tous les chanoines n’est pas nécessaire à la tenue des séances capitulaires. On ne peut mesurer l’absentéisme qu’à partir du moment où des registres de procès-verbaux sont tenus. Au XVe siècle, il n’y a guère que trois à cinq chanoines présents. Seul le doyen est tenu à la résidence, en tant que chef de l’institution. Il est secondé par des techniciens juristes, comptables ou greffiers, peu nombreux : le notaire juré, greffier du chapitre, le Schaffner, qui réside au Bruderhof et rend ses comptes au chapitre tous les ans, à la Saint-Jacques, le boulanger, le tonnelier (Zapfenambaht), les bedeaux (Stäbler) chargés de la police dans les bâtiments capitulaires. Cette administration n’est véritablement structurée que dans la seconde moitié du XVe siècle.

Les bâtiments des chanoines

Le chapitre dispose, au cœur de la ville, d’un ensemble de bâtiments appelé le Bruderhof. De même que la dénomination de la cathédrale (das Münster – du latin monasterium), la « cour des frères » rappelle le temps lointain où les chanoines vivaient en communauté. Après le XIIe siècle, le Bruderhof reste le siège administratif du chapitre. Accolé au chevet de la cathédrale, il forme un vaste rectangle composé de différents édifices.

Les chanoines disposent de résidences disséminées dans le secteur nord-est de la ville, plus précisément dans sa partie anciennement ceinte par le rempart romain. La rue Brûlée, la rue des Juifs, la rue du Dôme regroupaient ces hôtels qui étaient parfois des propriétés familiales : c’est le cas pour les Ochsenstein.

Le chapitre se réunit dans une salle située dans la cathédrale même, au nord du chœur, au-dessus de la chapelle Saint-Jean-Baptiste, par le maître d’œuvre qui a élevé le pilier des anges dans le bras sud du transept, vers 1230-1240. Avant 1456, un nouveau lieu de réunion est aménagé dans le Bruderhof ; appelée Stuba majoris (la grande salle), elle avait l’avantage d’être chauffée par un poêle en faïence (Lorentz, p. 75). En définitive, il n’y a pas, à Strasbourg, de quartier cathédral.

Les cours capitulaires

Ce sont des hôtels particuliers assortis d’un ensemble de biens en campagne donnés en fiefs. Le manuscrit de Melk donne, pour les années 1224-1228, une liste de cours claustrales. Mais il n’y a pas autant de cours claustrales que de chanoines. Cela explique qu’entre 1318 et 1321, plusieurs chanoines s’entendent sur la transmission de ces cours.

 

Bilan (d'étape) du projet sur les collégiales, par Anne Massoni

Le projet que coordonne Anne Massoni sur les collégiales est né il y a maintenant huit ans. Son objectif est de fédérer les recherches sur les églises collégiales. Il est une composante de l’axe 6 du LAMOP et se réunit deux fois par an (été et hiver). Il travaille en collaboration avec les équipes d’accueil universitaires.

La première réalisation du groupe est un répertoire des collégiales séculières de France (même définition que pour les FEG), réalisé sous la forme d’une base de données. Par collégiale, il faut entendre tout établissement qui abrite au moins deux membres récitant l’office ensemble, qui dispose d’une autonomie physique et qui ne suit pas la règle de Saint-Augustin Des établissements n’ont répondu à cette définition que durant un temps de leur existence. D’autres en furent manifestement, sans jamais en porter le titre, par exemple les saintes chapelles.

Les bornes chronologiques choisies par l’équipe sont les dates de :

  • 816 : Concile d’Aix qui permet aux établissements de se rassembler sous le même nom.
  • 1530 : date qui se rapproche du pic numérique repéré par Philippe Loupès, 1550 et à laquelle les communautés de prêtres apparaissent et se distinguent des collégiales.

14 champs ont été définis qui dépeignent la situation institutionnelle de l’établissement. Aujourd’hui, 91 diocèses sont pris en charge et plus de 700 établissements ont été répertoriés. Il demeure quelques vides régionaux à combler : Bretagne, Lorraine, Alsace, Corse. A la fin du travail, on pense atteindre plus ou moins 1000 collégiales. Ce répertoire sera consultable en ligne dans le courant de l’année 2008 sur le site du LAMOP

Un article de synthèse est à paraître dans la RHE, numéro de juin-décembre 2007.

 

La collection Gaignères, par Anne Ritz-Guilbert

Les résultats de la recherche menée par Anne Ritz-Guilbert à la Bibliothèque nationale de France n’ont malheureusement pas été publiés. Ce que nous désignons par « collection Gaignères » - en général d’après la publication d’Adhémar - n’est que la partie visible (et peu fidèle) d’un iceberg. On peut consulter répertoire et table d’équivalences entre cotes anciennes et modernes auprès de Marie-France Damongeot, ou bien consulter directement Anne Ritz elle-même (anne.ritz-guilbert@neuf.fr, mail) pour se retrouver dans le dédale d’une collection qui comportait 2803 volumes de manuscrits, 2910 livres imprimés, des médailles, monnaies, jetons et 1048 tableaux, dont 355 portraits de chevaliers du Saint-Esprit, selon l’inventaire réalisé à la mort de Roger de Gaignères (1643-1715) par Clairembault (Clair. 1032). Malheureusement, la collection a été dispersée et les recueils eux-mêmes démantelés. Des dessins étrangers lui ont été ajoutés. Bref, ce n’est pas facile de s’y retrouver !

Gaignères avait amassé ses trésors avec l’aide de deux assistants, Barthélemy Rémy, paléographe, et Louis Boudan, dessinateur-graveur, qui ont suivi Gaignères dans tous ses déplacements et effectué des relevés in situ en Île de France, Haute-Normandie, Maine et Anjou. Pour Bordeaux et Narbonne, Gaignères a travaillé avec des correspondants. Ses intérêts étaient triples : généalogiques, héraldiques et visuels (goût pour la représentation des individus, qui l’a amené à privilégier la fin du Moyen Age).

Anne Ritz a recherché si les dessins pouvaient être considérés comme fidèles. La réponse n’est pas si simple à donner. De nombreux dessins existent en double ou en triple ; il y a des croquis préparatoires, des générations de dessins. Selon l’usage qui leur était assigné, ils avaient des légendes différentes ; parfois, c’était le costume et non le monument qui avait intéressé. Les croquis privilégiaient les épitaphes et l’héraldique ; ils pouvaient être plus approximatifs pour le décor.

Les tombeaux des évêques sont systématiquement en doubles. Au Cabinet des estampes, ils sont classés selon le lieu où se trouvait le tombeau. Au Département des manuscrits, des recueils sur les évêchés commencent par la liste des évêques et, à partir du 60ème environ, des pages sont prévues pour chacun, quel que soit le lieu d’inhumation.

 

Les fêtes des Innocents

En fin de séance, Yann Dahhaoui a rapidement évoqué ses recherches sur les « fêtes des Innocents ». Il s’interroge en particulier sur l’identité de ceux qui furent appelés episcopus innocentium ou scolarium ou puerorum. Dans l’Empire, il a aussi rencontré des évêques des prêtres ou des diacres. Que ceux qui disposent d’informations précises veuillent bien les lui transmettre.

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Compte-rendu de la réunion des Fasti Ecclesiae Gallicanae du 25 juin 2010.

Date de la prochaine réunion : vendredi 7 janvier 2011

C'est devant près d'une trentaine de personnes que s'est ouverte cette réunion estivale des Fasti. Les mobilisations sociales de la veille nous ont cependant privé de la présence de Véronique Julerot, Jean-Michel Matz et Jacques Madignier.

Avant d'évoquer les interventions qui ont rythmé cette journée, il nous semble logique de commencer par le temps fort qui a marqué le traditionnel buffet du midi, dressé dans le jardin de l'ancienne demeure de fonction des directeurs des Archives nationales. C'est dans ce cadre verdoyant et ensoleillé qu'Hélène Millet reçut, en forme d'hommage et de remerciement pour son action à la tête des Fasti, le maître-ouvrage d'Édouard Perroy – L'Angleterre et le Grand Schisme, paru en 1935 – exemplaire dédicacé par l'auteur à Jeanne Vieillard, archiviste paléographe qui a donné son nom à la salle de l'IRHT dans laquelle Hélène Millet et d'autres ont fondé les Fasti. Ce livre est désormais protégé par une reliure en cuir ornée d'un chanoine ; un bel objet qui réunit symboliquement les différents thèmes de recherche qui ont attiré Mme Millet. Autre jeune retraitée, Irmine Martin fut également chaleureusement congratulée par l'assistance et reçut divers cadeaux. Ce fut l'occasion pour Vincent Tabbagh, en rendant hommage à l'une et à l'autre, d'évoquer le temps glorieux des pionniers, à la fin du siècle dernier !

 

Informations générales

• La parution des volumes se poursuit à un rythme satisfaisant. Celle du volume 12 sur Autun réalisé par Jacques Madignier, initialement prévue en juin, a été repoussée jusqu'en septembre 2010. La préparation du volume sur Châlons-en-Champagne par Sylvette Guilbert est en bonne voie tandis que la base de données sur le diocèse de Tarentaise pourrait être achevée à la fin de cette année.

Pascal Montaubin, avant de faire circuler un exemplaire du volume sur Sens – dernière publication en date – a tenu à rappeler que les membres des Fasti bénéficient d'un rabais de 40 % sur les ouvrages de la collection par rapport au tarif normal.

Contact : pascal.montaubin@laposte.net.

• Un colloque organisé par l'équipe Collégiales aura lieu les 29-30-31 octobre à Montpezat de Quercy sur le thème : Les interventions de la curie pontificale dans l'histoire des églises collégiales en France au Moyen Âge.

Le nécrologe-obituaire du chapitre cathédral d'Aix, par Thierry Pécout

Le nécrologe-obituaire de Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence a récemment fait l'objet d'une édition critique par Thierry Pécout et Anne Chiama, avec la collaboration de Noël Coulet, dans la collection Recueil des historiens de la France.

Cette intervention vise à dévoiler l'intérêt que peuvent avoir les obituaires pour la connaissance des chapitres cathédraux en général, et plus particulièrement ici pour celle des chanoines aixois. Jusqu'à présent, les travaux sur ce type de source ont été les parents pauvres de la recherche sur la mort au Moyen Âge. Pourtant, le rôle de média entre les vivants et les morts joué par les communautés religieuses ne se limite pas aux seuls Mendiants. Il est aussi le fait des chapitres cathédraux. En outre, ces sources permettraient d'aborder la question des revenus tirés des fondations pieuses, chantier qui reste à entamer.

Le manuscrit 14 de la bibliothèque Méjanes comporte 179 folios en y intégrant le martyrologe d'Adon. L'appellation que l'on donne à ce manuscrit – nécrologe-obituaire – s'est imposée par l'observation de changements dans la manière de rédiger les notices, tributaires de l'évolution des rapports avec le sacré. L'importance accrue accordée à la rédaction de ces notices justifie l'idée du passage progressif d'un nécrologe, livre où l'on inscrit simplement les noms des morts, à un obituaire, registre où l'on écrit leurs noms, le jour de leur sépulture et la fondation des obits. Ces fondations sont évidemment une source de financement importante mais leur dimension première est spirituelle. Le nécrologe-obituaire porte en effet une memoria et forme la base de la concorde qui permet à la communauté canoniale d'exister.

Ce livre appartenant au chapitre d'Aix, une brève présentation de cette communauté s'impose. En 1318, date de la réalisation du nécrologe, le chapitre est une institution riche et puissante. Son existence est attestée depuis le début du XIe s. À la fin de ce même siècle, son temporel semble se développer. Les liens avec le pouvoir comtal sont étroits : on rencontre de nombreux chanoines parmi les familiers des comtes de Provence. On distingue alors deux catégories de clercs : les chanoines prébendés qui desservent la cathédrale et un groupe qui prend en charge l'oratoire du Sauveur. La régularisation du chapitre se produit au début du XIIe s. et perdure jusqu'au siècle suivant où, dans des circonstances qui restent largement obscures, le statut de la communauté évolue. Le chapitre cathédral cesse alors d'être régulier pour entrer dans le siècle. En 1223, on y dénombre vingt prébendes. Le chapitre est à la tête d'une véritable seigneurie urbaine, fruit d'une politique d'acquisitions judicieuse dans le bourg d'Aix et de la mise sous tutelle d’églises paroissiales (dont une à Aix). Le rôle mortuaire de la communauté s'inscrit dans ce paysage à travers le cimetière Saint-Sauveur qui accueille des sépultures étrangères au chapitre.

L'opération menée en 1318 semble relever de la volonté du prévôt Guillaume Agarini. Elle consiste d'abord en un travail de transcription opérée à partir d'un livre plus ancien ; le manuscrit se trouve en usage dès l'année suivante, comme l'atteste les premières additions dont il est l'objet. Les notices datées, qui s'étalent de 1209 à 1317, permettent de supposer que l'ancien nécrologe était utilisé depuis la fin du XIIe s. et qu'il connaît un développement certain à la fin du XIIIe s. lorsqu'il s'ouvre davantage aux laïcs. Par ailleurs, les notices datées du nécrologe-obituaire permettent de percevoir l'intensité de son utilisation après la phase de transcription : on en dénombre 498 au XIVe s., 124 au XVe s. et seulement une quinzaine entre 1500 et 1587. Ainsi, on peut supposer que cette forme de fondation pieuse a lentement décliné à la fin du Moyen Âge pour prendre d’autres formes à l'aube des temps modernes.

Les revenus issus de ces obits ont notamment financé un programme de rénovation architectural : la nef Saint-Maximin et diverses chapelles funéraires sont là pour en attester.

Sacré collège et chapitre de Châlons, par Sylvette Guilbert

Cette intervention propose de se pencher sur les cas de chanoines châlonnais qui sont devenus cardinaux. Dix-neuf individus sont actuellement recensés : 3 au XIIIe s., 13 au XIVe s. et 3 autres au XVe s. La place particulière du XIVe s. illustre la politique bénéficiale avignonnaise. De fait, si les cardinaux du XIIIe s. ont été chanoines d’abord, ceux des siècles suivants ont souvent intégré le chapitre de Châlons après leur incardination. Ils y ont reçu canonicat, prébende et souvent une dignité, en particulier l’archidiaconat. Lorsqu’un bénéfice du fait d’une vacance à la cour pontificale, passe sous collation pontificale, il circule dès lors entre les familiae cardinalices.

À l'aide d'un tableau récapitulatif, Mme Guilbert a présenté les uns après les autres, suivant un ordre chronologique, ces 19 chanoines incardinés. Nous le reproduisons ici :

 

Noms

N° Fasti

Sacré Collège

Études, carrière

Chapitre de Châlons

Entrées

Papes

Rangs

Titres

Dates

Rangs

Morts

Barthélemy

46

1227

Grégoire VII

cprêtre

Ste Pudentienne

m théologie

1220-28

Can + prb

élu évêque

1230/1

Jacques SAVELLI

611

1261

 

Urbain IV

cdiacre

Ste M. In cosmedin

 

-

1285

Can + prb

1281

1285

pp Honorius IV

Benedetto CAETANI jr

110

1295

Boniface VIII

(son oncle)

id

Ss Côme-Damien

-

1286

Can + prb

1296

Étienne de SUIZY

645

1305

Clément V

cprêtre

St Cyriaque

m d can

chancelier

1297-1306

Can + prb

1311

Raymond de GOTH

312

id

id

(son oncle)

cdiacre

Ste M. nouvelle

-

1310

Can + prb

trésorier

1310

Arnauld de PELLEGRUE

548

id

id

id

Ste M in Porticu

-

1305-1332

Can + prb

1332

1314-1332

Archd CT

Bertrand de MONFAVET

477

1306

Jean XXII

id

Ste M in aquiro

d civ

1313-1320

Can + prb

1342

Pierre de CHAPPES (de Chartres)

175

1327

id

cprêtre

Ss Silvestre-Mart.

d civ

chancelier

1316-1328

Can + prb

1336

Jean COLONNA

185

id

id

cdiacre

St Angelo in pescheria

m arts

not apost

1316-1332

Can + prb

1348

1332

Archd CT

Pierre ROGER de BEAUFORT (de Beaufort)

579

1348

 

Clément VI

 

cdiacre

Ste M nouvelle

2 droits

1366

Can + prb

1378

1370

pp Grégoire XI

1357

Trésorier pp Grég XI

Audoin AUBERT (de Maguelonne)

8

1353

Innocent III

cprêtre

Ss Jean-Paul

2 droits

not apost

1363

Archd CT

1363

1361

id

cévêque

Ostie

Guillaume BRAGOSE (de Vabres)

82

1361

id

cdiacre

St Georges in velabre

d civ, cano ?

not apost

1363-67

Archd CT

1367

1362

Urbain V

cévêque

St Laurent in lucina

Jean de DORMANS (de Beauvais)

225

1368

id

id

4 sts couronnés

2 droits chancelier

1359

Can + prb

1373

Jean de La TOUR

686

1371

Grégoire XI

cprêtre

St Laurent in lucina

-

1369

Can + prb

1374

Pierre de THURY (de Maillezais)

179

1385

Clément VII

cprêtre pseudo

Ste Suzanne

2 droits

1398

Can + prb ss chantre

1410

 

Louis de BAR

88

1395

Benoit XIII

cdiacre

Ste Agathe

 

-

1405

Can + prb

1430

1409

id

cprêtre

12 apôtres

1404-1413

doyen

1412

id

cévêque

Ostie

1413-1420

administr.

Guillaume FILASTRE

243

1411

Jean XXIII

cprêtre

St Marc

2 droits

1411-1413

Can + prb

1428

Nicolas de CUES

200

1448

Nicolas V

cprêtre

St Pierre aux liens

d can etc

1460

Archd CT

1464

Alexandre OLIVA (de Saxoferrato)

655

1460

Pie II

cprêtre

Ste Suzanne

théologie

1460

Archd CT

1463

 

Cependant, le passage au chapitre châlonnais semble avoir peu marqué les cardinaux, à l’exception de Jacques Savelli et Jean de Dormans dont les testaments évoquent Châlons. Ce dernier lègue d’ailleurs 100 florins au chapitre et autant aux pauvres de la ville. De même les mentions des dits cardinaux sont rares dans les archives locales, y compris dans les études faites par des chanoines du XVIIIe s. sur leurs prédécesseurs, sauf Guillaume Fillastre mentionné dans le registre du conseil de ville.

Cette présentation suscite plusieurs réflexions dans l’assistance : le nombre de cardinaux est-il un marqueur pour déterminer la réputation d’un corps canonial, pour fixer une hiérarchie fondée sur le prestige ou les revenus entre les chapitres cathédraux ?

La contribution des chanoines à l'efficacité de la grâce pontificale. Analyse spatiale des pratiques sociales au temps de Jean XXII (1316-1334), par Hugues Labarthe

Hugues Labarthe nous a présenté le site histoiredebulle.net, qui est le résultat d'un travail de modélisation des données contenues dans les lettres pontificales, dans le but d'aboutir à des analyses spatialisées multidimensionnelles. Il s'agit tout simplement de traiter les données contenues dans ces lettres pour arriver, d'une part à les analyser automatiquement (ce qui permet de traiter de très gros corpus), et d'autre part à les lier à des informations géographiques, de manière à ce que chaque requête sur la base de données puisse se traduire sous la forme de cartes. On aboutit ainsi à la création d'un véritable système d'information historique (SIH), qui permet de lier les données historiques entre elles tout en les spatialisant. Ce système, inspiré des systèmes d'information géographique (SIG, qui consistent à produire des bases de données cartographiques où chaque point de la carte se voit attribuer plusieurs "couches" d'informations), dépasse cependant ce modèle puisqu'il permet de faire des liens entre les différents points de la carte et donc de créer de nouvelles cartes, en fonction des questions posées au système par le chercheur (par ex. : comment sont répartis géographiquement les exécuteurs de grâces pontificales pour la province de Reims ?).

Le point de départ de ce travail est une volonté d'étudier l'efficacité de la grâce pontificale, dans le cadre du programme ANR Corelpa, et l'étude a porté dans un premier temps sur le pontificat de Jean XXII. Le site n'est pas encore accessible au grand public, car l'équipe de Corelpa doit d'abord obtenir l'accord de tous les ayants-droits ayant fourni les données (saisies informatiques des lettres pontificales).

La géo-localisation des données nécessite de disposer de données cartographiques précises sur les bénéfices de la chrétienté médiévale. Pour répertorier les lieux de culte, Hugues Labarthe et Hugo Meunier, qui prend sa suite dans le cadre du projet Corelpa dans le second semestre 2010, s'appuient sur la couverture des édifices cultuels établie par l'IGN, et disponible sur le site geoportail.fr, en la couplant avec Mérimée, base de données accessible sur le site du Ministère de la culture qui donne des fiches de description de chaque monument. Cette base de données est malheureusement insuffisante, car elle ne répertorie que les édifices encore existants. C'est pourquoi ils ont commencé la mise au point d'un SIG sur les paroisses des anciens diocèses de France. Ils ont utilisé pour ce faire les cartes de Font-Réaulx, qui ont été géo-référencées, puis ils ont commencé à saisir les données contenues dans les pouillés édités. La province de Tours va servir de test pour ce travail. Il s'agit bien sûr de cartographier les centres de paroisses, et non pas leurs hypothétiques limites. Tous les chercheurs des Fasti qui disposent de cartes de diocèses, de bénéfices, etc. sont invités à les envoyer à Hugues Labarthe pour aider à compléter cette collecte de données géographiques.

Lien : http://histoiredebulles.net/

Les débuts du GDRE "Aux fondements de la modernité étatique en Europe, l’héritage des clercs médiévaux", par Christine Barralis

Ce groupement de recherche européen réunit des équipes française, portugaise, italienne et hongroise. Dominique Iognat-Prat a pris la suite d'Hélène Millet à la tête de ce projet. La première prise de contacts a eu lieu à Angers en juin. Le but de ce programme est de financer des rencontres entre chercheurs européens, pour développer des coopérations dans l'objectif du montage d'un nouveau projet européen. La première du genre doit avoir lieu en novembre prochain à Evora, au Portugal.

Le quartier canonial du Mans, par Hugo Meunier

Cet exposé vise à comprendre si le quartier canonial médiéval est ouvert ou non sur la ville. La cité épiscopale est au cœur d'un vaste diocèse comptant sept archidiaconés. Le chapitre comprend pour sa part 43 prébendes. L'agglomération mancelle est l'héritière d'une fondation augustéenne. Sa première enceinte est bâtie à la fin du IIIe s. Le quartier qui nous intéresse se situe au sud de la cathédrale, délimité au nord, à l'ouest et à l'est par les fortifications urbaines. Le château date du XIe s. a été construit par Guillaume le Conquérant. On ne dispose pas de traces de clôture au sud. Deux pôles structurent le quartier des chanoines : la place Saint-Michel au sud-est et la Rue des Chanoines. Il faut remarquer l'absence de bâtiments communs. L'origine du quartier remonte au moins au Ve s. puisque Grégoire de Tours l'évoque dans ses écrits. On sait également qu'il existait un réfectoire au IXe s., probablement réalisé sous l'épiscopat d'Aldric, ecclésiastique qui joue un rôle important au cours du règne de Louis le Pieux. En 834, l'église Saint-Étienne est érigée. Mais les raids normands et bretons de la seconde moitié du IXe s. brisent ce premier essor du quartier.

Profitant des troubles entre leurs évêques et les comtes du Maine au XIe s., les chanoines gagnent en autonomie. Ainsi, à la fin du XIIe s., on constate l'existence d'une mense canoniale. Le premier dignitaire qu'on rencontre en 1004 est le chantre. Le chapitre détient une pleine juridiction dès le XIIIe s. Ses privilèges sont élargis et confirmés en 1383 par le pape. Le quartier canonial connaît une nouvelle phase d'extension aux XIIIe et XIVe s. Notons que depuis le XIIe s., les maisons y sont construites en pierre. Cherchant à s'affranchir toujours plus de l'autorité épiscopale, les chanoines revendiquent à cette époque la possession des fortifications. L'évêque est clairement considéré comme un étranger au sein du quartier canonial comme peuvent l'attester les conflits incessants qui l'opposent aux chanoines. D'autres différends voient le jour avec le pouvoir comtal ou avec les commerçants, en raison des nombreuses boutiques installées dans le cloître. L'application de la règle canoniale apparaît très laxiste puisque les femmes ne sont pas exclues du quartier. L'emploi du terme claustrum à partir du XIe s. pourrait caractériser un processus de territorialisation de l'espace canonial. In claustro devient un toponyme sans doute dès le XIIIe s.

L'ensemble de ces informations atteste la véritable puissance seigneuriale du chapitre du Mans. L'évêque du lieu résidant la plupart du temps dans ses deux châteaux hors de la cité, les chanoines se retrouvent sans réel contre-pouvoir dans la ville même si l'entourage épiscopal (officialité, cour laïque) occupe probablement toujours la résidence urbaine de l'évêque.

N. B. : deux des thèmes annoncés : « Que faut-il entendre par ''incertains'' et ''exclus'' (Vincent Tabbagh) » et « Compte-rendu du colloque Les officialités dans l’Europe médiévale et moderne : des tribunaux pour une société chrétienne » n'ont pu être traités, faute de temps.