Hommage à Jean-Michel Matz

 

Le 7 mars 2020, l’équipe des Fasti Ecclesiæ Gallicanæ apprenait avec douleur la disparition de Jean-Michel Matz qui en était l’un des membres les plus actifs et qui la présida entre 2012 et 2017.

Cathédrale de Nantes, façade. cl. Jean-Michel Matz 2018.
Cathédrale de Nantes, façade.
cl. Jean-Michel Matz 2018.

Né à Strasbourg le 8 janvier 1963, agrégé d’histoire en 1986, Jean-Michel Matz soutient une thèse en 1993 sous la direction d’André Vauchez à l’Université de Paris X-Nanterre, intitulée Les miracles de l’évêque Jean Michel et le culte des saints dans le diocèse d’Angers (v. 1370-v. 1560), en trois volumes – le tome 3 comporte l’édition critique des Gesta et miracula reverendissimi Johannis Michaelis Andegavorum episcopi. Il présente une Habilitation à diriger les recherches en 2003 proposant une édition critique de la Vie en français de la bienheureuse Véronique de Binasco. Il exerce comme professeur agrégé dans l’enseignement secondaire de 1987 à 1994. Il devient maître de conférences (1994) puis professeur (2004) en histoire du Moyen Âge à l’Université d’Angers. Il dirige l’équipe angevine du laboratoire CERHIO entre 2008 et 2016 (Centre de Recherches Historiques de l’Ouest, regroupant les Universités d’Angers, Le Mans, Lorient et Rennes II, recomposé en UMR 9016 TEMOS (Temps Mondes, Sociétés). Il pilote également la collection des Fasti Ecclesiæ Gallicanæ aux éditions Brepols (Turnhout) à partir de 2012 et préside de 2012 à 2017 le comité de direction de l’équipe de ces mêmes Fasti. Il est associé de l’UMR LEM-CERCOR en 2017 et Membre de l’Institut européen en sciences des religions (IESR, EPHE).

Jean-Michel Matz est un spécialiste d’hagiographie du Moyen Âge tardif (XIIIe - début XVIe siècle), du culte des saints et de l’anthropologie du miracle, mais il devient aussi celui de l’histoire comparée des territoires contrôlées par les deux maisons d’Anjou-Provence-Sicile. Il mène de nombreux travaux sur l’histoire religieuse et culturelle des derniers siècles du Moyen Âge, l’histoire sociale et culturelle des évêques et de la sainteté épiscopale (XVe siècle - début XVIe siècle) et des milieux canoniaux. Il s’attache aux institutions ecclésiastiques, à l’économie ecclésiale et au clergé des cités épiscopales de la province de Tours (XIIe - début XVIe siècle), en particulier les évêques, les chanoines des chapitres cathédraux, le clergé paroissial et les ordres mendiants. Il ménage une attention spéciale aux bibliothèques capitulaires, à l’histoire du livre manuscrit et des bibliothèques ecclésiastiques à partir des manuscrits conservés et des inventaires de bibliothèques institutionnelles et privées entre le XIe et le début du XVIe siècle. Avec son collègue contemporanéiste Yves Denéchère, il dirige un ouvrage sur l’histoire de l’université d’Angers du Moyen Âge à nos jours, paru en 2012. Depuis son habilitation, il avait également multiplié les recherches sur la spiritualité féminine.

Sollicité par Hélène Millet, il s’avère rapidement un pilier du groupe de recherches Fasti Ecclesiæ Gallicanæ, d’abord aux côtés de ses directeurs successifs Hélène Millet (CNRS) puis Vincent Tabbagh (Université de Bourgogne), puis en tant que directeur de la collection aux Éditions Brepols, superviseur de la base de données correspondante. Il publie les volumes d’Angers (2003) et du Mans (2018). Il préside le comité de direction des Fasti de 2012 à 2017, alors un axe du laboratoire LAMOP (Université de Paris I, UMR 8589). Son énergie étant accaparée par la lutte contre la maladie, c’est lui qui préconise le rattachement des Fasti au laboratoire CERCOR en 2018 (Université Jean Monnet, Saint-Étienne, UMR 8584 LEM). Mais il demeure directeur de la collection des Fasti Ecclesiæ Gallicanæ jusqu’à sa disparition. Il réalise la Lettre annuelle des Fasti dont il publie les deux premiers numéros en 2018 et 2019 avec Ahmad Fliti. À la veille de nous quitter, il travaille sur les volumes à paraître des diocèses d’Évreux, Clermont et Verdun et s’engage à publier celui de Tours.

Le colloque d’Angers tenu les 3-6 juin 1998 sur « La noblesse dans les territoires angevins à la fin du Moyen Âge » marque pour sa carrière un tournant fondateur. Il s’implique dès lors aussi dans le renouveau des études angevines, à l’échelle internationale. Avec sa collègue Marie Madeleine de Cevins, il organise le colloque angevin suivant, sur un thème qui lui est cher, « Formation intellectuelle et culture du clergé dans les territoires angevins », les 15-16 novembre 2002. Il se rallie tout naturellement au programme EUROPANGE, financé par l’Agence nationale de la recherche et portant sur « Les processus de rassemblements politiques. L’exemple de l’Europe angevine (XIIIe-XVe siècle) », entre 2014 et 2018, aux côtés d’une vingtaine de chercheurs de France, Italie, Hongrie et Canada. Son ouvrage sur L’Anjou des princes, écrit avec Noël-Yves Tonnerre, est primé par l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 2018. Sa dernière œuvre scientifique d’ampleur est l’édition du Journal de Jean Le Fèvre, le chancelier du roi et de la reine de Sicile, qu’il a conduite conjointement avec Michel Hébert (Université du Québec à Montréal) et qui paraît en 2020.

Les nombreuses collaborations scientifiques de Jean-Michel le portent principalement vers l’Italie et la Hongrie, avec lesquelles son université a fondé des liens durables. Vers le milieu des années 2000, il crée autour de lui un solide réseau d’amitiés intellectuelles, entretenu par des échanges pédagogiques réguliers avec ses collègues de l’Université de Pécs et de l’Université de Salerno. Il entretient également avec les Universités d’Aix-en-Provence et de Lorraine des relations scientifiques nourries, ponctuées par les « colloques angevins » dont il est ainsi l’un des plus ardents promoteurs. Il demeure une référence pour tous les chercheurs et conservateurs travaillant sur la France de l’Ouest au Moyen Âge. En Anjou et Maine, il a noué les contacts les plus étroits avec les collègues du patrimoine, des bibliothèques et des archives. Depuis 2017, il s’investit dans le montage du dossier de candidature à l’inscription de la Tapisserie de l’Apocalypse au registre de l’UNESCO « Mémoire du monde ». Les nombreuses expositions auxquelles il a participé comme commissaire attestent le soin qu’il apporte à la diffusion des savoirs. Il donne régulièrement des conférences auprès du public.

Jean-Michel Matz s’implique également dans plusieurs sociétés savantes. Il est l’un des piliers de l’association Mémoire des princes angevins, fondée en 1999 et éditant la revue annuelle du même nom, devenue publication électronique depuis 2017. Il est également membre du conseil d’administration de l’Association des Amis des archives d’Anjou (Les 4A). Il est inscrit à la Société d’histoire religieuse de la France. Lorsque les Fasti Ecclesiæ Gallicanæ deviennent une association en 2019, il intègre son bureau en qualité de vice-président.

L’œuvre scientifique de Jean-Michel Matz