CR 25 juin 2010

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Compte-rendu de la réunion des Fasti Ecclesiae Gallicanae du 25 juin 2010.

Date de la prochaine réunion : vendredi 7 janvier 2011

C'est devant près d'une trentaine de personnes que s'est ouverte cette réunion estivale des Fasti. Les mobilisations sociales de la veille nous ont cependant privé de la présence de Véronique Julerot, Jean-Michel Matz et Jacques Madignier.

Avant d'évoquer les interventions qui ont rythmé cette journée, il nous semble logique de commencer par le temps fort qui a marqué le traditionnel buffet du midi, dressé dans le jardin de l'ancienne demeure de fonction des directeurs des Archives nationales. C'est dans ce cadre verdoyant et ensoleillé qu'Hélène Millet reçut, en forme d'hommage et de remerciement pour son action à la tête des Fasti, le maître-ouvrage d'Édouard Perroy – L'Angleterre et le Grand Schisme, paru en 1935 – exemplaire dédicacé par l'auteur à Jeanne Vieillard, archiviste paléographe qui a donné son nom à la salle de l'IRHT dans laquelle Hélène Millet et d'autres ont fondé les Fasti. Ce livre est désormais protégé par une reliure en cuir ornée d'un chanoine ; un bel objet qui réunit symboliquement les différents thèmes de recherche qui ont attiré Mme Millet. Autre jeune retraitée, Irmine Martin fut également chaleureusement congratulée par l'assistance et reçut divers cadeaux. Ce fut l'occasion pour Vincent Tabbagh, en rendant hommage à l'une et à l'autre, d'évoquer le temps glorieux des pionniers, à la fin du siècle dernier !

 

Informations générales

• La parution des volumes se poursuit à un rythme satisfaisant. Celle du volume 12 sur Autun réalisé par Jacques Madignier, initialement prévue en juin, a été repoussée jusqu'en septembre 2010. La préparation du volume sur Châlons-en-Champagne par Sylvette Guilbert est en bonne voie tandis que la base de données sur le diocèse de Tarentaise pourrait être achevée à la fin de cette année.

Pascal Montaubin, avant de faire circuler un exemplaire du volume sur Sens – dernière publication en date – a tenu à rappeler que les membres des Fasti bénéficient d'un rabais de 40 % sur les ouvrages de la collection par rapport au tarif normal.

Contact : pascal.montaubin@laposte.net.

• Un colloque organisé par l'équipe Collégiales aura lieu les 29-30-31 octobre à Montpezat de Quercy sur le thème : Les interventions de la curie pontificale dans l'histoire des églises collégiales en France au Moyen Âge.

Le nécrologe-obituaire du chapitre cathédral d'Aix, par Thierry Pécout

Le nécrologe-obituaire de Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence a récemment fait l'objet d'une édition critique par Thierry Pécout et Anne Chiama, avec la collaboration de Noël Coulet, dans la collection Recueil des historiens de la France.

Cette intervention vise à dévoiler l'intérêt que peuvent avoir les obituaires pour la connaissance des chapitres cathédraux en général, et plus particulièrement ici pour celle des chanoines aixois. Jusqu'à présent, les travaux sur ce type de source ont été les parents pauvres de la recherche sur la mort au Moyen Âge. Pourtant, le rôle de média entre les vivants et les morts joué par les communautés religieuses ne se limite pas aux seuls Mendiants. Il est aussi le fait des chapitres cathédraux. En outre, ces sources permettraient d'aborder la question des revenus tirés des fondations pieuses, chantier qui reste à entamer.

Le manuscrit 14 de la bibliothèque Méjanes comporte 179 folios en y intégrant le martyrologe d'Adon. L'appellation que l'on donne à ce manuscrit – nécrologe-obituaire – s'est imposée par l'observation de changements dans la manière de rédiger les notices, tributaires de l'évolution des rapports avec le sacré. L'importance accrue accordée à la rédaction de ces notices justifie l'idée du passage progressif d'un nécrologe, livre où l'on inscrit simplement les noms des morts, à un obituaire, registre où l'on écrit leurs noms, le jour de leur sépulture et la fondation des obits. Ces fondations sont évidemment une source de financement importante mais leur dimension première est spirituelle. Le nécrologe-obituaire porte en effet une memoria et forme la base de la concorde qui permet à la communauté canoniale d'exister.

Ce livre appartenant au chapitre d'Aix, une brève présentation de cette communauté s'impose. En 1318, date de la réalisation du nécrologe, le chapitre est une institution riche et puissante. Son existence est attestée depuis le début du XIe s. À la fin de ce même siècle, son temporel semble se développer. Les liens avec le pouvoir comtal sont étroits : on rencontre de nombreux chanoines parmi les familiers des comtes de Provence. On distingue alors deux catégories de clercs : les chanoines prébendés qui desservent la cathédrale et un groupe qui prend en charge l'oratoire du Sauveur. La régularisation du chapitre se produit au début du XIIe s. et perdure jusqu'au siècle suivant où, dans des circonstances qui restent largement obscures, le statut de la communauté évolue. Le chapitre cathédral cesse alors d'être régulier pour entrer dans le siècle. En 1223, on y dénombre vingt prébendes. Le chapitre est à la tête d'une véritable seigneurie urbaine, fruit d'une politique d'acquisitions judicieuse dans le bourg d'Aix et de la mise sous tutelle d’églises paroissiales (dont une à Aix). Le rôle mortuaire de la communauté s'inscrit dans ce paysage à travers le cimetière Saint-Sauveur qui accueille des sépultures étrangères au chapitre.

L'opération menée en 1318 semble relever de la volonté du prévôt Guillaume Agarini. Elle consiste d'abord en un travail de transcription opérée à partir d'un livre plus ancien ; le manuscrit se trouve en usage dès l'année suivante, comme l'atteste les premières additions dont il est l'objet. Les notices datées, qui s'étalent de 1209 à 1317, permettent de supposer que l'ancien nécrologe était utilisé depuis la fin du XIIe s. et qu'il connaît un développement certain à la fin du XIIIe s. lorsqu'il s'ouvre davantage aux laïcs. Par ailleurs, les notices datées du nécrologe-obituaire permettent de percevoir l'intensité de son utilisation après la phase de transcription : on en dénombre 498 au XIVe s., 124 au XVe s. et seulement une quinzaine entre 1500 et 1587. Ainsi, on peut supposer que cette forme de fondation pieuse a lentement décliné à la fin du Moyen Âge pour prendre d’autres formes à l'aube des temps modernes.

Les revenus issus de ces obits ont notamment financé un programme de rénovation architectural : la nef Saint-Maximin et diverses chapelles funéraires sont là pour en attester.

Sacré collège et chapitre de Châlons, par Sylvette Guilbert

Cette intervention propose de se pencher sur les cas de chanoines châlonnais qui sont devenus cardinaux. Dix-neuf individus sont actuellement recensés : 3 au XIIIe s., 13 au XIVe s. et 3 autres au XVe s. La place particulière du XIVe s. illustre la politique bénéficiale avignonnaise. De fait, si les cardinaux du XIIIe s. ont été chanoines d’abord, ceux des siècles suivants ont souvent intégré le chapitre de Châlons après leur incardination. Ils y ont reçu canonicat, prébende et souvent une dignité, en particulier l’archidiaconat. Lorsqu’un bénéfice du fait d’une vacance à la cour pontificale, passe sous collation pontificale, il circule dès lors entre les familiae cardinalices.

À l'aide d'un tableau récapitulatif, Mme Guilbert a présenté les uns après les autres, suivant un ordre chronologique, ces 19 chanoines incardinés. Nous le reproduisons ici :

 

Noms

N° Fasti

Sacré Collège

Études, carrière

Chapitre de Châlons

Entrées

Papes

Rangs

Titres

Dates

Rangs

Morts

Barthélemy

46

1227

Grégoire VII

cprêtre

Ste Pudentienne

m théologie

1220-28

Can + prb

élu évêque

1230/1

Jacques SAVELLI

611

1261

 

Urbain IV

cdiacre

Ste M. In cosmedin

 

-

1285

Can + prb

1281

1285

pp Honorius IV

Benedetto CAETANI jr

110

1295

Boniface VIII

(son oncle)

id

Ss Côme-Damien

-

1286

Can + prb

1296

Étienne de SUIZY

645

1305

Clément V

cprêtre

St Cyriaque

m d can

chancelier

1297-1306

Can + prb

1311

Raymond de GOTH

312

id

id

(son oncle)

cdiacre

Ste M. nouvelle

-

1310

Can + prb

trésorier

1310

Arnauld de PELLEGRUE

548

id

id

id

Ste M in Porticu

-

1305-1332

Can + prb

1332

1314-1332

Archd CT

Bertrand de MONFAVET

477

1306

Jean XXII

id

Ste M in aquiro

d civ

1313-1320

Can + prb

1342

Pierre de CHAPPES (de Chartres)

175

1327

id

cprêtre

Ss Silvestre-Mart.

d civ

chancelier

1316-1328

Can + prb

1336

Jean COLONNA

185

id

id

cdiacre

St Angelo in pescheria

m arts

not apost

1316-1332

Can + prb

1348

1332

Archd CT

Pierre ROGER de BEAUFORT (de Beaufort)

579

1348

 

Clément VI

 

cdiacre

Ste M nouvelle

2 droits

1366

Can + prb

1378

1370

pp Grégoire XI

1357

Trésorier pp Grég XI

Audoin AUBERT (de Maguelonne)

8

1353

Innocent III

cprêtre

Ss Jean-Paul

2 droits

not apost

1363

Archd CT

1363

1361

id

cévêque

Ostie

Guillaume BRAGOSE (de Vabres)

82

1361

id

cdiacre

St Georges in velabre

d civ, cano ?

not apost

1363-67

Archd CT

1367

1362

Urbain V

cévêque

St Laurent in lucina

Jean de DORMANS (de Beauvais)

225

1368

id

id

4 sts couronnés

2 droits chancelier

1359

Can + prb

1373

Jean de La TOUR

686

1371

Grégoire XI

cprêtre

St Laurent in lucina

-

1369

Can + prb

1374

Pierre de THURY (de Maillezais)

179

1385

Clément VII

cprêtre pseudo

Ste Suzanne

2 droits

1398

Can + prb ss chantre

1410

 

Louis de BAR

88

1395

Benoit XIII

cdiacre

Ste Agathe

 

-

1405

Can + prb

1430

1409

id

cprêtre

12 apôtres

1404-1413

doyen

1412

id

cévêque

Ostie

1413-1420

administr.

Guillaume FILASTRE

243

1411

Jean XXIII

cprêtre

St Marc

2 droits

1411-1413

Can + prb

1428

Nicolas de CUES

200

1448

Nicolas V

cprêtre

St Pierre aux liens

d can etc

1460

Archd CT

1464

Alexandre OLIVA (de Saxoferrato)

655

1460

Pie II

cprêtre

Ste Suzanne

théologie

1460

Archd CT

1463

 

Cependant, le passage au chapitre châlonnais semble avoir peu marqué les cardinaux, à l’exception de Jacques Savelli et Jean de Dormans dont les testaments évoquent Châlons. Ce dernier lègue d’ailleurs 100 florins au chapitre et autant aux pauvres de la ville. De même les mentions des dits cardinaux sont rares dans les archives locales, y compris dans les études faites par des chanoines du XVIIIe s. sur leurs prédécesseurs, sauf Guillaume Fillastre mentionné dans le registre du conseil de ville.

Cette présentation suscite plusieurs réflexions dans l’assistance : le nombre de cardinaux est-il un marqueur pour déterminer la réputation d’un corps canonial, pour fixer une hiérarchie fondée sur le prestige ou les revenus entre les chapitres cathédraux ?

La contribution des chanoines à l'efficacité de la grâce pontificale. Analyse spatiale des pratiques sociales au temps de Jean XXII (1316-1334), par Hugues Labarthe

Hugues Labarthe nous a présenté le site histoiredebulle.net, qui est le résultat d'un travail de modélisation des données contenues dans les lettres pontificales, dans le but d'aboutir à des analyses spatialisées multidimensionnelles. Il s'agit tout simplement de traiter les données contenues dans ces lettres pour arriver, d'une part à les analyser automatiquement (ce qui permet de traiter de très gros corpus), et d'autre part à les lier à des informations géographiques, de manière à ce que chaque requête sur la base de données puisse se traduire sous la forme de cartes. On aboutit ainsi à la création d'un véritable système d'information historique (SIH), qui permet de lier les données historiques entre elles tout en les spatialisant. Ce système, inspiré des systèmes d'information géographique (SIG, qui consistent à produire des bases de données cartographiques où chaque point de la carte se voit attribuer plusieurs "couches" d'informations), dépasse cependant ce modèle puisqu'il permet de faire des liens entre les différents points de la carte et donc de créer de nouvelles cartes, en fonction des questions posées au système par le chercheur (par ex. : comment sont répartis géographiquement les exécuteurs de grâces pontificales pour la province de Reims ?).

Le point de départ de ce travail est une volonté d'étudier l'efficacité de la grâce pontificale, dans le cadre du programme ANR Corelpa, et l'étude a porté dans un premier temps sur le pontificat de Jean XXII. Le site n'est pas encore accessible au grand public, car l'équipe de Corelpa doit d'abord obtenir l'accord de tous les ayants-droits ayant fourni les données (saisies informatiques des lettres pontificales).

La géo-localisation des données nécessite de disposer de données cartographiques précises sur les bénéfices de la chrétienté médiévale. Pour répertorier les lieux de culte, Hugues Labarthe et Hugo Meunier, qui prend sa suite dans le cadre du projet Corelpa dans le second semestre 2010, s'appuient sur la couverture des édifices cultuels établie par l'IGN, et disponible sur le site geoportail.fr, en la couplant avec Mérimée, base de données accessible sur le site du Ministère de la culture qui donne des fiches de description de chaque monument. Cette base de données est malheureusement insuffisante, car elle ne répertorie que les édifices encore existants. C'est pourquoi ils ont commencé la mise au point d'un SIG sur les paroisses des anciens diocèses de France. Ils ont utilisé pour ce faire les cartes de Font-Réaulx, qui ont été géo-référencées, puis ils ont commencé à saisir les données contenues dans les pouillés édités. La province de Tours va servir de test pour ce travail. Il s'agit bien sûr de cartographier les centres de paroisses, et non pas leurs hypothétiques limites. Tous les chercheurs des Fasti qui disposent de cartes de diocèses, de bénéfices, etc. sont invités à les envoyer à Hugues Labarthe pour aider à compléter cette collecte de données géographiques.

Lien : http://histoiredebulles.net/

Les débuts du GDRE "Aux fondements de la modernité étatique en Europe, l’héritage des clercs médiévaux", par Christine Barralis

Ce groupement de recherche européen réunit des équipes française, portugaise, italienne et hongroise. Dominique Iognat-Prat a pris la suite d'Hélène Millet à la tête de ce projet. La première prise de contacts a eu lieu à Angers en juin. Le but de ce programme est de financer des rencontres entre chercheurs européens, pour développer des coopérations dans l'objectif du montage d'un nouveau projet européen. La première du genre doit avoir lieu en novembre prochain à Evora, au Portugal.

Le quartier canonial du Mans, par Hugo Meunier

Cet exposé vise à comprendre si le quartier canonial médiéval est ouvert ou non sur la ville. La cité épiscopale est au cœur d'un vaste diocèse comptant sept archidiaconés. Le chapitre comprend pour sa part 43 prébendes. L'agglomération mancelle est l'héritière d'une fondation augustéenne. Sa première enceinte est bâtie à la fin du IIIe s. Le quartier qui nous intéresse se situe au sud de la cathédrale, délimité au nord, à l'ouest et à l'est par les fortifications urbaines. Le château date du XIe s. a été construit par Guillaume le Conquérant. On ne dispose pas de traces de clôture au sud. Deux pôles structurent le quartier des chanoines : la place Saint-Michel au sud-est et la Rue des Chanoines. Il faut remarquer l'absence de bâtiments communs. L'origine du quartier remonte au moins au Ve s. puisque Grégoire de Tours l'évoque dans ses écrits. On sait également qu'il existait un réfectoire au IXe s., probablement réalisé sous l'épiscopat d'Aldric, ecclésiastique qui joue un rôle important au cours du règne de Louis le Pieux. En 834, l'église Saint-Étienne est érigée. Mais les raids normands et bretons de la seconde moitié du IXe s. brisent ce premier essor du quartier.

Profitant des troubles entre leurs évêques et les comtes du Maine au XIe s., les chanoines gagnent en autonomie. Ainsi, à la fin du XIIe s., on constate l'existence d'une mense canoniale. Le premier dignitaire qu'on rencontre en 1004 est le chantre. Le chapitre détient une pleine juridiction dès le XIIIe s. Ses privilèges sont élargis et confirmés en 1383 par le pape. Le quartier canonial connaît une nouvelle phase d'extension aux XIIIe et XIVe s. Notons que depuis le XIIe s., les maisons y sont construites en pierre. Cherchant à s'affranchir toujours plus de l'autorité épiscopale, les chanoines revendiquent à cette époque la possession des fortifications. L'évêque est clairement considéré comme un étranger au sein du quartier canonial comme peuvent l'attester les conflits incessants qui l'opposent aux chanoines. D'autres différends voient le jour avec le pouvoir comtal ou avec les commerçants, en raison des nombreuses boutiques installées dans le cloître. L'application de la règle canoniale apparaît très laxiste puisque les femmes ne sont pas exclues du quartier. L'emploi du terme claustrum à partir du XIe s. pourrait caractériser un processus de territorialisation de l'espace canonial. In claustro devient un toponyme sans doute dès le XIIIe s.

L'ensemble de ces informations atteste la véritable puissance seigneuriale du chapitre du Mans. L'évêque du lieu résidant la plupart du temps dans ses deux châteaux hors de la cité, les chanoines se retrouvent sans réel contre-pouvoir dans la ville même si l'entourage épiscopal (officialité, cour laïque) occupe probablement toujours la résidence urbaine de l'évêque.

N. B. : deux des thèmes annoncés : « Que faut-il entendre par ''incertains'' et ''exclus'' (Vincent Tabbagh) » et « Compte-rendu du colloque Les officialités dans l’Europe médiévale et moderne : des tribunaux pour une société chrétienne » n'ont pu être traités, faute de temps.

 

Date réunion
25-06-2010